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dont les croisées sont soutenues par des colonnettes de marbre, on vous dit : C’est la maison de la Pia.

PÉROUSE ET ASSISE.

En allant à Assise visiter la patrie de saint François, le lieu que Dante a célébré dans cette magnifique histoire du triomphe et du martyre de la pauvreté évangélique, dont le fondateur des ordres mendians est le prodigieux héros, j’ai traversé Pérouse. Dante ne la désigne qu’en passant, mais c’est par une de ces indications topographiques dont je ne me lasse pas de noter l’exactitude. Étant allé deux fois à Pérouse, j’y ai éprouvé le double effet du mont Ubaldo, qui, dit le poète, fait ressentir à cette ville le froid et la chaleur :

Onde Perugia sente freddo e caldo[1].

c’est-à-dire qui tour à tour réfléchit sur elle les rayons du soleil, et lui envoie les vents glacés qui passent sur ses froids sommets. Je n’ai que trop pu vérifier la justesse de l’observation de Dante, surtout en ce qui concerne la froide température que Pérouse, quand elle n’est pas brûlante, doit au mont Ubaldo. J’arrivai devant cette ville par une brillante nuit d’automne ; j’eus le temps de commenter tout à mon aise les bises de l’Ubaldo, en gravissant au petit pas la sinuosité de la route qui conduit aux portes de la ville fortifiée par un pape. Après de longs détours, je me croyais arrivé, quand je vis au-dessus de ma tête le double étage des murs de la forteresse et les hauts glacis qui la défendent. Aux portes de cette cité, d’un aspect guerrier, et qui fut la patrie de plusieurs grands capitaines italiens, j’étais sous l’impression de quelque chose de formidable ; cette impression ne diminua point quand j’entrai dans la ville par une large rue bordée de grands palais muets ; quand j’errai dans les rues plus étroites au pied de ces vastes demeures où ne brillait pas une lumière, d’où ne descendait aucun bruit, d’où ne sortait personne ; quand j’entrevis les gigantesques portes étrusques grandies par les clartés de la lune et, par les ombres de la nuit. C’était bien la triste Pérouse, Perugia dolente[2].

Dans un premier voyage, suivant déjà les traces poétiques de Dante, j’étais arrivé au couvent de l’Alvernia le jour où le rénovateur de l’es-

  1. Parad., c. XI, 46.
  2. Ibid., c. VI, 75.