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pris Anvers, et qui ont obtenu du Mexique une satisfaction éclatante, pourraient être embarrassés, maladroits et timides dans la question d’Orient. D’un autre côté, on ne dit pas que le ministère prépare une révision des lois de septembre, une atténuation quelconque des garanties que les précédentes administrations ont cru nécessaires au maintien de l’ordre public.

Nous ne voulons cependant rien préjuger. Convaincus, nous l’avons déjà dit, que le ministère donnera à la tribune l’exemple de la franchise politique, et qu’il ne voudra pas prolonger, par son fait, un état de choses qui n’est utile à personne, nous l’attendrons à l’œuvre. Ce n’est vraiment que le 23 décembre que commence la vie politique du ministère.

La majorité se reformera, nous l’espérons du moins, nous le désirons ardemment. Où nous mènerait une chambre de plus en plus divisée, impuissante, flottant au gré de tous les vents ? une chambre qui n’inspirerait plus de confiance au pays et ne donnerait plus au pouvoir d’appui sérieux ? À une dissolution prochaine, à des dangers que nous n’aimons pas entrevoir.

C’est à la tribune, c’est sous le feu des débats parlementaires que la chambre doit en quelque sorte se reconstituer ou mettre au grand jour toute son impuissance. Si les ministres estiment pouvoir rétablir dans ses conditions légitimes le pouvoir parlementaire, sans le concours des hommes qui ont été jusqu’ici les chefs de la majorité, qu’ils essaient, et, dès que le fait sera accompli, tout homme ami de son pays leur en témoignera sa reconnaissance, dût-il ne remarquer les images de Cassius et de Brutus que par leur absence. Mais si, comme il est à craindre, ils échouent, s’ils ne font qu’ajouter confusion à confusion, et retarder le mouvement naturel qui porterait la chambre, émue par le spectacle de ses divisions, à retrouver son organisation régulière et sa force, le ministère assumerait sur lui une grande responsabilité morale ; il aurait aggravé un mal qu’il n’a pu méconnaître ; il est trop éclairé pour être excusable.

Plusieurs de ses actes lui rendront la tâche difficile et la discussion périlleuse.

M. Schneider garde, dit-on, son portefeuille ; mais les accusations sur l’administration militaire de l’Afrique, mollement repoussées par le Moniteur, reparaîtront avec plus de force et d’autorité à la tribune, et le ministère pourra-t-il expliquer les faits et justifier ses agens, en rendant hommage en même temps à la touchante libéralité du prince royal et à sa noble sollicitude pour nos soldats souffrans ?

La nomination des nouveaux pairs, faite uniquement pour combler les vides que la mort avait faits dans les rangs de la pairie, n’a pas d’importance politique ; mais l’opinion n’est pas également rassurée sur la portée de tous les actes ministériels.

L’exclusion donnée obstinément à M. Martin du Nord pour la première présidence de Douai, tandis que tout paraissait l’y appeler, ses antécédens, ses services, ses lumières ; les portes du conseil d’état fermées à M. Cousin sans aucun des égards qui étaient dus aux fonctions éminentes dont il est investi,