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ESSAI SUR LE DRAME FANTASTIQUE.

taires, ait beaucoup de temps de reste pour se demander désormais s’il est philosophe ou chrétien. Il est député ! c’est une autre affaire ; ce n’est pas tout-à-fait le chemin de l’idéal.

Quel regret pour nous, pauvres rêveurs ! faudra-t-il donc conclure que notre grand lyrique ne se soucie plus guère de la philosophie du Christ, et que peut-être il ne s’en est jamais tourmenté bien profondément ? À voir comme il entre ardemment dans les questions positives du siècle, nous sommes bien persuadé que la raison, l’esprit d’analyse et la tranquillité d’ame ne lui ont jamais manqué au point d’accepter aveuglément le catholicisme. A-t-il donc chanté tout simplement pour chanter, comme il agit aujourd’hui tout simplement pour agir ? Poète, il lui fallait un dieu. Il accepta celui qui était alors au pouvoir ; homme politique, il lui a fallu un parti, il a accepté celui qui est au pouvoir aujourd’hui.

À Dieu ne plaise qu’entraîné par des dissidences d’opinions, nous venions à dessein analyser ici le fond des croyances de M. de Lamartine. Quand même ce droit appartiendrait à la critique, nous ne pourrons jamais oublier les larmes que les Méditations autrefois, et, récemment encore, certaines pages de Jocelyn nous ont fait verser. Nous ne dirons donc jamais que l’idéal a tenu peu de place dans la vie intellectuelle de M. de Lamartine, lui qui a fait vibrer si souvent dans nos ames les cordes de l’enthousiasme, et qui ravivait en nous le sentiment de l’idéal, alors que le déchaînement du matérialisme s’efforçait de nous le ravir. Nous dirons seulement, parce que nous devons le dire ici, que M. de Lamartine s’est montré, en poésie comme en politique, peu scrupuleux sur les moyens de connaître et de saisir son idéal. M. de Lamartine est peut-être un homme de sentiment plus qu’un homme de connaissance ; tout lui a été bon, la royauté dévote et la royauté bourgeoise, pourvu qu’il exerçât sa royauté à lui, sa seule royauté légitime, celle du génie.

Ainsi, qu’on me permette de le dire, lord Byron, cet autre roi légitime qui ne dédaignait pas non plus les succès littéraires et les succès parlementaires, était beaucoup plus préoccupé de la science de Dieu, que M. de Lamartine ne l’a jamais été. Il n’a jamais accepté l’erreur coupable du catholicisme ; il n’a rien accepté à la légère, la chose lui paraissait trop grave pour n’être pas discutée chaudement et amèrement dans le sanctuaire de son ame. Il se souciait fort peu de passer pour un athée ou pour un sceptique, lui, le plus instinctivement religieux des poètes ! Condamné, par la nature même de ce sentiment religieux, à une sincérité farouche, il cédait à tous les