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comptés ; cependant elles sont moins amples et laissent à découvert des membres entiers et quelquefois même une grande partie du corps. L’étude de ces parties nues est singulière : les muscles sont enflés et tendus à se rompre, les os se montrent et percent les chairs. Il semble que les artistes de cette seconde époque aient travaillé sur des modèles écorchés. On n’a donc pas eu tort de dire que le génie de Michel-Ange perçait déjà dans la manière de ses ancêtres, mais c’est le génie de Michel-Ange s’échappant avec effort des bandelettes égyptiennes où il a été long-temps captif. Dans les monumens de cette seconde époque, l’archaïsme se montre encore dans sa naïve crudité.

Plusieurs de ces statues et de ces bustes sont répétés, surtout les bustes en terre cuite : le moule avait du succès et était souvent redemandé. On distingue dans le nombre une charmante tête de jeune garçon qui, par sa parfaite beauté, pourrait rivaliser avec le Faune ou l’Antinoüs.

De la salle des statues, on passe dans celle des bas-reliefs en terre cuite. Cette salle renferme plusieurs morceaux précieux, ce sont de grandes plaques carrées recouvertes de bas-reliefs estampés avec beaucoup d’adresse. Ces plaques, aux quatre coins desquelles on voit encore les trous destinés à les sceller au mur, servaient à la décoration des appartemens et sont d’un art fort avancé. On doit les rapporter à la troisième période de l’art étrusque, lorsque l’influence grecque proprement dite commençait à dominer et prenait la place de ce style archaïque étrusque, analogue du style dorien qui, vers la même époque, c’est-à-dire du Ier au IIIe siècle de Rome, florissait à Sybaris, à Crotone, à Cumes et à Pœstum.

Le style grec ou hellénien, qui remplaça le style toscan, ne commença guère à régner qu’après Phidias. L’influence de cette grande école athénienne devait se faire sentir chez tous les peuples qui s’occupaient d’art, et les Étrusques étaient au premier rang de ces peuples. Déjà, du temps de Phidias, on les regardait comme les plus habiles potiers du monde connu, et les meubles, les ustensiles et tous ces objets d’usage domestique qu’ils fabriquaient, jouissaient, dans toute la Grèce et l’Asie mineure, d’une réputation méritée d’élégance. Les Grecs, si adroits eux-mêmes, en étaient fort curieux. Le vieux comique athénien Phérécrates, contemporain de Periclès, voulant vanter le travail d’un candélabre, se contente de dire qu’il est tyrrhénien[1]. Cet éloge prononcé à Athènes, en plein théâtre,

  1. Ap. Athen., XV, 18.