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LE MUSÉE ÉTRUSQUE DU VATICAN.

la cuirasse accusant les formes succèdent à l’étui informe, qui les cachait ; puis le nu apparaît, envahit tout, et finit par dominer presque sans mélange. Plus le nu se montre, plus les muscles s’apaisent ; plus les os s’effacent, plus les formes s’arrondissent et se rapprochent de cette sorte de perfection que les Grecs nomment idéale. Les sujets de cette époque sont plus doux et plus rians que ceux de l’époque précédente. On rencontre bien encore quelques rares combats ; mais ce sont des tableaux paisibles que les artistes représentent de préférence : des danses, des luttes, des chasses au lévrier ou au faucon, des courses, des jeux de toute espèce, et parfois des scènes comiques empruntées au théâtre.

La représentation des principaux incidens des mystères dyonisiaques, alors dans toute leur fureur, devient aussi très fréquente. L’époque où ce style a prévalu s’étend du IIIe au VIe siècle de Rome ; ses productions sont innombrables, et la variété de forme des vases et des sujets représentés est infinie.

Le musée du Vatican renferme un grand nombre de ces vases de l’époque grecque. Plusieurs sont d’une rare perfection ; le travail est simple et uniforme. Ces vases subissaient plusieurs cuissons, car la pâte en est plus ferme et plus légère, et l’émail plus brillant que dans les vases de l’époque précédente. Beaucoup de détails en blanc ou de couleur pourpre et lilas, formant parfois un léger relief et donnant aux vases l’apparence de camées, n’ont dû être appliquées qu’au dernier feu. Souvent même, et par une sorte de falsification de l’ouvrier, ces détails, et jusqu’à des figures entières, sont peints seulement en détrempe après la cuisson. La ligne si précise qui détache les figures du fond, était, comme nous l’avons dit, burinée sur la pâte demi-molle après le premier feu. Mais quelle adresse pour conduire avec tant d’aisance et de netteté cette ligne si correcte et si savante !

Ces vases gravés et sculptés en bas-reliefs sur des fonds de couleur et formant camées s’appelaient murrhins. Le prix des beaux vases murrhins était excessif. Pline rapporte en effet que Pétrone étant sur le point de mourir, et voulant déshériter Néron, son bourreau, brisa un de ces vases murrhins qu’il avait payé 300 talens[1], c’est-à-dire 900,000 francs à la plus petite évaluation du talent. Ces prix paraissent exorbitans, et cependant Pline ajoute ailleurs que, de

  1. T. Petronius consularis moriturus… trullam murrhinam trecentis talentis emptam fregit.(Plin., Hist. Nat., I. XXXVI.)