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tions par plusieurs philologues. Notre Académie des Inscriptions ne resta pas indifférente à un débat qui devait établir les droits généalogiques de la famille gauloise. Un prix offert par elle en 1834, a provoqué de consciencieuses recherches qui paraissent avoir dissipé les incertitudes par la conformité de leurs résultats. Un des livres couronnés, celui de M. Eichoff, a été analysé dans cette Revue. Il nous reste à signaler le mémoire de M. Pictet, dont la publication a été plus tardive, quoiqu’il ait partagé les honneurs du concours. Les travaux de cet ordre sont de ceux qui commandent à la critique un silence prudent ; il faut accepter en s’inclinant le jugement rendu, quant au fond, par les juges compétens du tribunal académique. Nous ajouterons seulement que nous avons remarqué dans cette œuvre d’un étranger une clarté d’exposition et une aisance de langage que l’aridité du sujet fait particulièrement valoir.

La famille des langues celtiques est formée par la réunion de deux branches distinctes : la première est le gaëlique, qui comprend trois dialectes, l’irlandais, le manx, en usage dans l’île de Man, et l’erse, qui est la langue des montagnards de l’Écosse. Ces trois dialectes sont considérés comme des altérations de la langue qui la première a retenti sur le sol gaulois ; et, en effet, à les voir précisément relégués vers les extrémités occidentales de l’Europe, il est permis de conjecturer, comme l’a fait M. Amédée Thierry, que le grand corps des Gaëls a été violemment rompu par une seconde race d’envahisseurs, et refoulé jusqu’aux dernières limites de notre continent. La seconde branche, appelée cymrique ou bretonne, désignation préférable selon M. Pictet, est encore parlée, mais avec des nuances diverses, dans le pays des Galles, dans la province de Cornouailles et dans notre Bretagne française. Or, dans chacun des pays où résonne encore l’écho des âges lointains, il s’est trouvé des antiquaires qui en ont saisi et noté les accens. Tous les mots ont été recueillis, interprétés, décomposés, coordonnés en glossaires, ramenés aux lois grammaticales. Ce n’est pas tout : ces récits qu’on se transmet dans les chaumières, sans les comprendre, ces chants qui ne sont plus pour le paysan qu’un roucoulement instinctif, la science les a matérialisés par l’impression, et ils ont pris rang dans les bibliothèques, sur le rayon destiné aux curiosités littéraires. Il ne fallait pas moins que cet ensemble de documens, empruntés à tous les dialectes, pour qu’il devînt possible de rétablir le fonds primitif du langage, et d’évoquer, en quelque sorte, le génie de l’ancienne Gaule. Aussi n’est-ce plus par les preuves dont se contentaient autrefois les étymologistes, par des consonnances souvent menteuses, par des rapprochemens de mots pris au hasard dans les dictionnaires, que l’affinité du celtique et du sanscrit nous est démontrée : elle résulte de l’accord de leurs lois, de l’esprit qui leur est commun. Les termes de comparaison établis par M. Pictet, sont : 1o  le système phonique, 2o  la dérivation et la composition des mots, 3o  les formes grammaticales. « Ces trois sections, ajoute-t-il avec raison, comprennent tous les élémens principaux du problème. Deux langues, dont les analogies s’étendent