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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

Vous êtes défendus, monsieur, contre cette activité dévorante par une puissante organisation politique et des mœurs en harmonie avec elle ; vous avez à lui jeter en pâture le commerce du monde, un gigantesque empire aux Indes et une colonisation organisée jusqu’aux extrémités de la terre ; ressources que nous n’avons pas, et dont nous userions, d’ailleurs, moins bien que vous. Nation d’agriculteurs et de soldats, la France vit dans ses frontières sans exposer sa fortune aux quatre vents du ciel, et rien ne la détourne de ces crises intérieures qui chez elle n’ont d’issue que la voie terrible des révolutions.

Si un élément d’universelle tempérance ne s’introduit dans nos mœurs pour les modérer, je ne saurais comprendre que la société pût résister long-temps à la pression exercée sur elle par les efforts continus de toutes les individualités. Or, ce principe, quel peut-il être, sinon la religion, qui seule règle les mouvemens du cœur de l’homme, et domine les inspirations de sa volonté ?

Est-il une autre pensée que celle-là pour faire estimer les choses du monde leur juste prix, pour attiédir par des espérances infinies l’ardeur avec laquelle l’homme se prend à ce qui passe ? N’est-ce pas en portant plus haut ses regards, en ne les fixant pas à la terre comme le bœuf au sillon qu’il laboure, qu’il peut pardonner à la société comme à la fortune, si pour lui elles se sont montrées marâtres ? Connaissez-vous une autre source de résignation, comprenez-vous surtout une autre source d’humilité ?

De toutes les doctrines prêchées sur la terre, le christianisme seul lutte contre la personnalité humaine sans l’anéantir, et l’épure sans la briser ; seul il révèle à l’homme et sa grandeur et son néant, sans exalter son orgueil au spectacle de l’une, sans dépraver son ame à la vue de l’autre. C’est pour cela que le christianisme est la religion de la sociabilité par essence, et que le premier devoir autant que la meilleure politique d’un gouvernement libre est de travailler à la diffusion des idées chrétiennes, auxquelles est réservé l’exclusif et sublime privilége d’entretenir en même temps les ardeurs de la charité et la quiétude de l’ame.

Ce sont là pour vous, monsieur, de véritables lieux communs, et vous n’auriez pas moins de mépris que moi-même pour ces puissans cerveaux qui, ne comprenant l’ordre public que dans sa partie extérieure et brutale, estiment avoir fondé un monument plus durable que l’airain dès qu’ils se sont donné un gouvernement et une administration, des gendarmes et des sergens de ville, bons estomacs et