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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

La diète ne peut donc être considérée comme le résumé de la nationalité allemande, laquelle, au lieu d’un centre unique, en a plusieurs, tous ayant leur vie propre, leur caractère particulier, tous devant être étudiés séparément, parce que ce qu’ils ont de commun est peu de chose comparativement aux divergences et aux contrastes. Cette étude est longue et difficile, surtout pour un étranger, et nous ne nous flattons pas de l’avoir faite aussi complète et aussi approfondie qu’il l’eût fallu. Toutefois trois voyages en Allemagne à des époques différentes, un séjour de près de deux ans réparti entre les villes principales du pays, surtout des relations fréquentes avec la plupart de ses hommes célèbres, nous ont permis d’observer avec quelque suite et d’apprendre bien des choses qui ne se trouvent pas dans les documens imprimés. C’est là ce qui a pu nous faire espérer de jeter quelque lumière sur des questions peu connues en France, mais qui n’en méritent pas moins une attention sérieuse à cause de leur importance européenne.

Une description physique de l’Allemagne nous a paru devoir être l’introduction naturelle du travail que nous avons entrepris. Nous la ferons aussi courte que possible, et plutôt avec des souvenirs qu’avec des livres.

Quoi qu’en ait dit Tacite avec le dédain d’un habitant du midi, l’Allemagne peut plaire, même à ceux dont elle n’est pas la patrie[1], car la nature ne lui a refusé ni la beauté, ni la fertilité. Avec ses grands fleuves, ses nombreuses chaînes de montagnes, ses vallées, ses vastes forêts, elle offre aux regards du voyageur les aspects les plus agréables et les plus variés, et il n’est peut-être pas de pays en Europe avec lequel elle ne puisse soutenir la comparaison sous ce rapport. Le nord seul est triste et plat ; mais en quittant les plaines monotones de la Westphalie, du Hanovre ou du Brandebourg, on entre dans une région montagneuse, presque toujours riche en sites pittoresques, et l’on monte, de gradin en gradin, jusqu’aux grandes Alpes, dont la race allemande occupe les cimes les plus élevées, et dont toute la partie orientale appartient au territoire de la confédération germanique.

Pour se bien rendre compte de la configuration de l’Allemagne, il faut se placer sur cette partie des hautes Alpes d’où descendent vers quatre mers différentes les eaux de quatre grands fleuves, le Rhin, le Danube, le Rhône et le Pô. Là se trouve, en quelque sorte,

  1. Quis porro… Asiâ aut Africâ aut Italiâ relictâ, Germaniam peteret, informem terris, asperam cœlo, tristem cultu aspectuque, nisi si patria sit ? (Tacit., Germania.)