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LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS.

Et sous les empereurs, après Néron et dans les interrègnes, s’il y avait eu de vrais journaux à Rome, chaque prétendant y serait allé en même temps qu’aux prétoriens, pour se les assurer. Et Trimalcion et Apicius, dans leurs digestions épicuriennes, auraient songé à en acheter un, pour être quelque chose.

C’est à nous, bien à nous, notre gloire et notre plaie que le journal : prenons garde ! c’est la grande conquête, disions-nous hier ; nous le redisons aujourd’hui, et, plus mûr, nous ajoutons : c’est le grand problème de la civilisation moderne.

En attendant, une histoire des journaux est à faire ; les doctes travaux de M. Leclerc en rendent facile la préface pour ce qui concerne l’antiquité. Il lui resterait à parler des Grecs et à y rechercher, comme il l’a fait pour les Romains, le vestige de l’organe. Il paraît peu disposé à le croire très développé : « La vie politique des Grecs, dit-il en un endroit[1], non moins active que celle de Rome, mais resserrée dans leurs petits états, n’appelait point un aussi rapide et aussi énergique instrument de publicité que cet immense empire dont les armées conquérantes détruisirent en peu d’années Carthage, Corinthe et Numance. » On a vu que cet énergique instrument de publicité ne joua jamais que très peu à Rome ; et, puisqu’il s’agit de la faculté plutôt encore que de l’usage, j’ai peine à croire qu’Athènes, par exemple, n’en ait pas fait preuve, même dans son cercle très resserré. Il serait piquant d’éclairer cela avec précision. On a voulu voir le premier exemple des journaux littéraires dans la Bibliothèque de Photius, et faire de lui l’inventeur des Éphémérides. M. Leclerc indique, en passant, une quantité d’éphémérides historiques des Grecs qui ne sont pas plus des journaux proprement dits, destinés aux nouvelles publiques, que la Bibliothèque de Photius n’est un journal littéraire. Il paraît pourtant qu’un des premiers journaux des Romains fut rédigé par un Grec appelé Chrestus : il n’a dû importer à Rome que ce qui était déjà dans son pays. A priori, on peut affirmer que le journal, à l’état primitif au moins, n’a pas dû manquer à la Grèce.

Encouragé dans cette voie de recherches par le prompt succès de son livre, M. Leclerc, nous assure-t-on, s’occupe activement de suivre au moyen-âge la trace du journal. De journaux privés, il n’en manqua jamais même alors : on écrivait à la dernière page de sa Bible ses bons ou mauvais jours ; le moine ou le bourgeois de Paris

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