Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/874

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
870
REVUE DES DEUX MONDES.

La déclaration russe serait une reconnaissance implicite du principe français. Aussi faut-il l’accueillir avec une satisfaction qui n’exclut point le doute et la surveillance. Ce n’est pas facilement, de gaieté de cœur, que la Russie donnerait ainsi une sorte de démenti officiel à sa vieille politique. L’attitude calme et imposante de la France, le froid accueil que les offres de M. Brunow trouvèrent à Londres, l’y ont sans doute déterminée. Mais on peut être certain que le cabinet russe, d’un autre côté, ne se donnera ni trêve, ni repos, qu’il n’ait enlevé à cette déclaration tout ce qu’il pourra d’efficacité et d’importance. Peut-être se réserve-t-il des explications, des restrictions, des chicanes sur la forme, sur le moment, sur le nombre de vaisseaux ; peut-être la déclaration est-elle liée à des conditions et des hypothèses que la France ne saurait admettre. Que sais-je ? Il serait téméraire de rien affirmer à cet égard : ce sont là les secrets, les subtilités, les habiletés de la diplomatie ; nous sommes loin de les connaître. Seulement le bon sens nous dit qu’il est permis, au cabinet français surtout, de se méfier d’une concession de Saint-Pétersbourg. À coup sûr, la Russie essaiera pour le moins de faire en sorte que les Osmanlis n’aient point l’occasion de voir flotter devant les murs du sérail les pavillons de l’Angleterre et de la France. Dans ce but, elle pourrait bien seconder de tous ses moyens une transaction immédiate entre la Porte et le pacha. Le protectorat européen, n’ayant plus l’occasion de se réaliser, n’aurait ainsi d’autre titre que quelques phrases diplomatiques, que les ambages de quelques notes bien embrouillées ; il ne serait point solennellement constaté aux yeux du monde entier par un précédent. Nous ne voudrions cependant pas nous plaindre d’un pareil résultat, si toutefois Méhémet-Ali obtenait par le traité toutes les concessions que réclament impérieusement l’intérêt bien entendu de l’Orient, de la Porte elle-même, ainsi que la paix de l’Europe ; qu’il obtienne par une stipulation directe avec le sultan tout ce que la France a démontré ne pouvoir lui être enlevé, et nous applaudirons au traité. Nous savons trop bien que, malgré toutes les conventions et tous les précédens, la Russie, un nouveau cas échéant, ne reconnaîtrait le protectorat européen à Constantinople qu’autant que des flottes formidables sorties de Malte et de Toulon sillonneraient la Méditerranée ; et nous avons confiance dans l’avenir de notre pays. Au bruit d’une nouvelle crise orientale, le pavillon français ne s’endormirait pas dans ses ports.

L’Espagne attend, avec autant d’anxiété que le caractère espagnol en peut éprouver, le résultat des nouvelles élections. L’apathie des classes modérées, — l’apathie, c’est leur maladie chronique, la maladie du juste-milieu, — semble céder à la gravité des circonstances ; le flegme espagnol paraît s’émouvoir des périls dont la fougue radicale menace le pays ; il n’y a pas jusqu’à des grands d’Espagne qui ne se donnent quelque peu de mouvement pour diriger les nouvelles élections dans un esprit de conservation et de liberté régulière.

Le succès n’est pas moins incertain. Le ministère est faible, et L’Espagne est, de l’aveu général, si pauvre d’hommes politiques de quelque valeur, qu’il serait difficile à la reine de s’entourer de ministres influens et capables. Le petit