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latives du parti démocratique, dirigé par des hommes honorables sans doute, mais qui pensaient pouvoir réaliser, comme chefs d’un canton suisse, les utopies des étudians de Gœttingue, ont amené une contre-révolution qui ne s’est pas accomplie sans effusion de sang. C’était un singulier mépris des faits que de vouloir brusquement plier aux idées philosophiques, par un système révolutionnaire d’instruction publique, une population aussi profondément religieuse, disons-le, aussi accessible aux idées mystiques et au fanatisme que celle du canton de Zurich. Des faits aussi bizarres que cruels avaient donné plus d’une fois la mesure de la vivacité de ses impressions religieuses.

Dans le Valais, le haut et le bas pays, c’est-à-dire les vieilles idées et les nouvelles, le privilége et l’égalité de droit, la Suisse de 1815 et la Suisse de 1830, sont aux prises. La diète était intervenue et avait donné son appui à une reconstitution équitable du canton ; mais la contre-révolution de Zurich, canton directeur, ayant enlevé dans la diète une voix puissante au parti réformateur, le parti rétrograde a relevé la tête dans le Valais, et tout arrangement est indéfiniment ajourné.

Dans le canton du Tessin, après la réforme politique de 1830, la contre révolution, poussée par le clergé et appuyée par la police subalterne de Milan, s’était peu à peu glissée aux affaires et avait fini par s’emparer du gouvernement. Il y avait dans le corps législatif plus de trente curés, c’est-à-dire que l’évêque autrichien de Côme, dont ils dépendent, y avait plus de trente voix. Il paraît que leur empire réactionnaire et leurs corps d’état n’étaient pas du goût de la population ; une révolution a replacé les hommes de la réforme à la tête des affaires : reste à savoir s’ils sauront ne pas abuser de la victoire et retenir leur parti dans les limites du droit.

Au milieu de tous ces faits, la position de l’ambassade française n’est pas sans difficultés. Peut-être l’inaction et le silence sont-ils dans ce moment, vu l’état de nos relations avec la Suisse, le seul parti compatible avec l’intérêt bien entendu de la France. Il est cependant deux points que nous devons surveiller attentivement : le Valais, traversé par une des principales routes stratégiques de l’Europe, et le Tessin, qui, placé au-delà des Alpes, est plus particulièrement exposé à l’influence autrichienne, et dont les commotions pourraient donner à l’Autriche des prétextes que la France ne saurait accueillir.

Le gouvernement français vient de nommer des commissaires chargés de négocier avec M. Rochussen un traité de commerce entre la Hollande et la France. Sans jeter aucun blâme sur le choix des personnes, il nous semble cependant indiquer que le ministère ne regarde pas cette négociation comme devant embrasser des projets d’une haute importance.

Il se passe d’étranges choses à Rome. Le duc de Bordeaux, mal accueilli d’abord et à peine toléré, s’y est ensuite établi avec le faste et l’étiquette d’un prétendant. Reçu par le pape, par le souverain de Rome, la haute société italienne et étrangère n’a plus hésité, dès-lors, à franchir le seuil du palais Conti, et à s’y réunir à nos légitimistes. On dit que les ministres de Naples, de Sardaigne, d’Autriche, ont suivi la foule ou lui ont donné l’exemple, ce qui