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est confiée. Hier le shah, avec ses troupes régulières, fit une marche de vingt-deux milles, qui le conduisit à Deh-Hadji, où il eut la satisfaction d’apprendre que les Serdars étaient sur le point de décamper. Nous avons acquis la certitude qu’en effet ils ont pris la fuite hier au soir, suivis de deux ou trois cents cavaliers au plus. Leur conduite, jusqu’au dernier moment, a été marquée par la bassesse et la rapacité. Tandis que d’une main ils vendaient aux marchands de la ville les grains qu’ils avaient accaparés, de l’autre ils épuisaient les ressources des pauvres habitans par tous les moyens possibles d’exaction et de violence. Ils sont partis au milieu des malédictions et de l’exécration de toutes les classes. Ce matin nous avons marché sur Kandahar, distant d’environ dix-huit milles, et nous sommes en ce moment campés à moins de deux milles (environ trois quarts de lieue) de la ville. Le spectacle qui s’est offert à nos yeux est, sans aucun doute, le plus intéressant dont il m’ait jamais été donné d’être témoin. Sir John Keane, avec l’armée de l’Indus, était à une marche en arrière de nous ; … les troupes régulières du shah étaient également en retard, et sa majesté avança, accompagnée seulement des officiers de la mission et des gens de sa maison. À chaque centaine de toises, nous rencontrions des troupes d’hommes bien armés et bien montés venant faire leur soumission au roi, tandis que les paisibles habitans des campagnes accouraient en foule, et, se pressant autour du shah, exprimaient en termes non équivoques la joie que leur causait son retour. La tranquillité est rétablie… Sa majesté se proposait d’envoyer un détachement à la poursuite des Serdars en fuite, et il est certain qu’ils méritent peu d’égards après la perversité et la folie de leur conduite, en dépit des avertissemens solennels et répétés qu’ils avaient reçus. Il serait sans aucun doute dangereux de les laisser libres de fomenter de nouveaux troubles, mais j’ai dû appréhender que, dans l’état d’excitation des esprits, ils ne fussent exposés à des cruautés inutiles s’ils tombaient entre les mains des troupes du shah ; j’ai donc persuadé à sa majesté de me permettre de faire aux Serdars une offre qui, s’ils l’acceptent, les mettra à même de se retirer en sûreté sur notre territoire. La pension que sa seigneurie le gouverneur-général pourrait juger convenable de leur assigner sera nécessairement beaucoup moindre que celle qu’ils auraient reçue, s’ils eussent accepté nos propositions dès l’origine, et je pense qu’une allocation de 500 roupies par mois, pour chacun d’eux, serait amplement suffisante… Je leur ai fait écrire dans ce sens, et je ne suis pas sans espoir de les amener à souscrire à ces conditions. »