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décombres, avaient pénétré dans la place après une lutte courte, mais acharnée, et à cinq heures, aux premiers rayons du jour, les couleurs anglaises flottaient sur la citadelle de Ghizni. Protection fut immédiatement accordée aux femmes, dit le rapport du général en chef, et ce mot honore la conquête, s’il ne suffit pas pour la justifier.

La garnison et la colonne d’assaut étaient à peu près d’égale force, au moins numériquement parlant, environ 3,500 hommes de part et d’autre. La perte totale du côté des Anglais en tués et en blessés, dans cette brillante affaire, n’a été que de 182 hommes, tant officiers, que sous-officiers et soldats. À l’assaut de Bhurtpour, le 18 janvier 1826, l’armée anglaise avait perdu 580 hommes, après une lutte corps à corps avec les Djats. Nous mettons ces deux faits en présence pour prouver que les Afghans, malgré la bravoure qu’ils ont montrée à Ghizni, n’ont pas été les adversaires les plus redoutables que les Anglais aient eu à combattre dans l’Inde. Plus de 500 Afghans paraissent avoir trouvé la mort dans cette rencontre sanglante. La garnison était sous les ordres de Mohammed-Hyder, un des fils de Dost-Mohammed, qui fut fait prisonnier dans un des bastions où il s’était réfugié, quelques heures après la prise de la place, et confié, d’après sa demande, à la surveillance bienveillante de sir Alex. Burnes, qui l’avait connu à la cour de son père. Celui-ci avait compté que le siége de Ghizni arrêterait un an ou deux l’armée anglaise ; la prise de cette place produisit une grande impression sur les Afghans et sur le chef de Kaboul lui-même. Toutefois, en apprenant le désastre de son fils, il se mit à la tête d’un corps de 12 à 13,000 hommes avec 28 pièces de canon et prit position à Argbandie, à trente milles de Kaboul ; mais ici, comme à Kandahar, les derniers efforts des usurpateurs furent inutiles : à l’approche de l’armée anglaise, qui s’était dirigée de Ghizni sur Caboul en deux colonnes les 30 et 31 juillet, les troupes de Dost-Mohammed-Khan se débandèrent ; il ne resta autour de lui que les hommes de sa propre tribu, les Barekzaïs. Enfin ce malheureux chef, après quelque hésitation, convaincu de l’impossibilité de défendre les approches de son ancienne capitale, se détermina au dernier moment à prendre la fuite dans la direction de Balk, laissant en position à Argbandie toute son artillerie, qui, presque immédiatement après, tomba entre les mains de 200 lanciers formant l’avant garde de l’armée.

Enfin le terme de tant d’efforts approchait. Le but de cette expédition lointaine allait être atteint. Le 6 août, Shah-Shoudjâ-Oul-Moulk, avec l’armée anglaise, campa en vue de Kaboul ; le 7, dans