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lande, composées d’abord de vingt-cinq membres, hommes et femmes, maîtres et serviteurs. Dans quatre voyages consécutifs, M. Marsden poursuivit le développement de son œuvre avec un zèle intelligent et un courage infatigable. D’autres acquisitions furent faites sur divers points, et l’on vit ainsi, dans un rayon de vingt lieues et au sein des tribus principales de l’île du Nord, se fonder des missions nouvelles qui toutes avaient leurs jardins, leurs chapelles, leurs desservans anglais et leurs protecteurs indigènes. L’œuvre de Dieu se fraya sa voie, surtout par des moyens temporels. Le succès parut si probable dès ce temps, que la concurrence s’en mêla. L’église anglicane avait eu jusqu’alors les honneurs exclusifs de cette conversion ; les églises dissidentes voulurent s’y ménager un rôle. Des missionnaires wesleyens, secte de méthodistes, parurent dans la baie de Wangaroa, et, chassés de ce point par les naturels, se reformèrent sur les rives de l’Hoki-Anga et à Mangounga. Malgré les nuances et les intérêts qui les séparaient, la meilleure harmonie régna constamment entre les deux églises.

Cependant leurs progrès n’ont pas été aussi rapides qu’on l’avait espéré d’abord. Soit que l’élément spirituel du culte protestant ne soit pas doué de ce prestige inhérent au catholicisme, soit qu’absorbés dans les soins de leur ménage les missionnaires n’aient pu agir assez efficacement sur leur grande famille, il est certain que l’influence religieuse fut à peu près nulle dans les premiers temps. En acceptant la supériorité des faits, les naturels ne voulurent pas comprendre la supériorité des idées. Ils voyaient dans les missionnaires, artisans pour la plupart, d’excellens forgerons, des armuriers inestimables ; mais il ne leur venait nullement à la pensée de les regarder comme les dispensateurs d’un royaume céleste. Rencontrant chez eux quelques commodités de la vie matérielle, ils les estimaient beaucoup pour cela, peu pour le reste ; ils les respectaient, mais ne les écoutaient pas. Leurs traditions guerrières, mêlées d’un vague sentiment d’immortalité, suffisaient pour satisfaire leurs instincts religieux. Ils y tenaient ; ils ne voulaient pas d’autre croyance. Aussi, même aujourd’hui, quoi que les missionnaires aient pu dire ou faire dire, il n’y a pas, à la Nouvelle-Zélande et parmi les indigènes, d’église chrétienne qui mérite ce nom. On a gagné quelques esclaves, on a formé quelques enfans ; mais à peine cite-t-on un seul chef qui se soit ouvertement rallié au giron des deux missions. En exagérant les chiffres, on peut attribuer, sur le papier, à l’une douze cents prosélytes, à l’autre quatorze cents ; mais qu’est-ce que ce faible contingent auprès des