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LA RÉPUBLIQUE D’AMALFI.

voulait faire présent à l’empereur d’Allemagne, Henri IV, vit les portes de son église épiscopale, et fut si enchanté de la manière dont elles étaient travaillées, qu’il envoya sur-le-champ à Constantinople la mesure des portes de l’église vieille, où il eut soin qu’on les fit parfaitement belles[1].

Le plan de l’église dessine une croix grecque. La nef du milieu est portée sur dix-huit piliers de marbre. Le pavé est également en marbre, et l’autel principal est orné de colonnes de marbre antique et de riches incrustations. L’église renferme quelques morceaux antiques assez curieux : une superbe conque de porphyre qui sert de baptistère, et deux sarcophages dont l’un, de travail grec, représente l’enlèvement de Proserpine, l’autre les noces de Thétis et de Pélée. Ce dernier n’est qu’une répétition plus détaillée de deux sarcophages du même genre qu’on voit à Rome au palais Mattei et que Winckelmann a décrits[2].

On descend à la crypte par un double escalier de marbre. Cette crypte, ornée de marbres curieux et d’une statue colossale de Saint-André (en bronze), a été refaite comme le reste de l’édifice. Autrefois, cette église souterraine n’était éclairée que par les lampes qui brûlaient sans cesse devant la châsse où est renfermé le corps de l’apôtre saint André, patron de la ville, et auquel la cathédrale est consacrée. Le corps de saint André fut transporté de Constantinople à Amalfi dans les premières années du XIIIe siècle (1207), par le cardinal Capouan, qui le déroba sans façon à l’église des Saints-Apôtres, où il reposait depuis l’an 353, avec saint Luc, saint Timothée, et beaucoup d’autres saints du second ordre. Débarquée mystérieusement à Amalfi, cette relique fut ensuite déposée en grande pompe dans un cercueil d’argent massif.

Le premier moment de ferveur était passé, et saint André n’était plus pour les Amalfitains qu’un saint comme un autre, lorsqu’en 1304, le 24 novembre, un vieillard qui faisait ses dévotions devant la châsse du saint, poussa tout à coup un grand cri de joie ; il était arrivé infirme et se trouvait guéri. Il racontait qu’ayant vu découler de cette châsse une huile qui avait l’odeur du nectar, il s’en était frotté en invoquant le saint, et que le miracle avait eu lieu. Cette nouvelle se répandit aussitôt dans la ville, où elle ranima l’enthousiasme expirant. Dès ce jour, Amalfi eut, comme Naples, son miracle permanent, car depuis la découverte du vieillard, la manne[3] d’Amalfi ne cessa de découler

  1. Aimon., Chron. Cassin., lib. III, cap. XIX.
  2. Monum. antichi inediti, part. II, sez. II, cap. I, no 110.
  3. Vide in sembianza placida tranquilla
    Il divo, che di manna Amalfi instilla
    .

    (Tasso, lib. II, st. 82.)

    La citation suivante peut donner idée de la façon dont les écrivains du pays entendaient encore ce miracle en 1836 :

    « Ecco un epoca fortunata ad indelebile negli annali amalfitani. Mentre un Gioja Colla scoverta della Bussola disserra al mondo intero l’ampio varco de’ mari ; contemporaneamente il nostro protettore S. Andrea, disvela dal suo tabernacolo il sacro ed incorruttibile liquore della Manna, cotanto prodigioso nel sanare i lan-