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de cheminer à la chinoise ou plutôt à la romaine, car la portantine d’Amalfi n’est peut-être que l’ancienne litière romaine transformée ou continuée.

Chacune de ces caravanes de voyageurs forme, au milieu de la montagne, un tableau des plus singuliers. Tandis qu’un gros chanoine passe lestement sur les épaules de ses deux porteurs ; vous voyez la moitié de la population du pays, réunie autour de la portantine de quelque frêle Anglaise, se disputant chaque brancard et paraissant plier sous le fardeau. C’est encore là une sorte de mendicité déguisée ; l’étrangère ou ses cavaliers auront négligé de faire leurs conditions au départ et de limiter le nombre des porteurs ; au retour, il faudra payer toute cette population ou soutenir un combat.

Le Cannetto, ce torrent qui prend sa source au pied du mont Cereto et que les historiens d’Amalfi ont décoré du nom de fleuve, n’est guère plus large que la rivière des Gobelins. Mais, dans un cours de moins de deux lieues, il fait tourner de nombreuses usines dont quelques-unes ne sont pas sans importance ; ce sont des manufactures de papier, de fer ou de savon. Ces papeteries sont au nombre de seize, et fabriquent des quantités considérables de papier, de qualité très secondaire, il est vrai ; la principale industrie du pays, c’est la fabrication des macaroni et de diverses pâtes, les plus estimées du royaume de Naples. Ces usines réunies emploient un nombre d’ouvriers qui n’est pas déterminé, mais dont le salaire, chaque semaine, n’est pas inférieur à mille ducats. Ces forges et ces papeteries se groupent d’une manière fort pittoresque au fond du ravin, jetant leurs ponts et leurs bâtimens d’une rive à l’autre du torrent. Ces bâtimens et la vallée sont dominés de tous les côtés par des rochers d’une hauteur inimaginable ; du sommet de ces rochers au fond du ravin sont tendus d’énormes câbles le long desquels descendent de grosses fascines pareilles à de grands oiseaux qui se précipiteraient dans le vallon ; c’est un moyen de transport rapide, économique et très en usage dans le pays. Les bois de toutes les pentes supérieures des montagnes sont amenés de cette façon dans les vallées, d’où les mulets et les femmes les transportent au rivage.

Cinq villages ou casali dépendent aujourd’hui d’Amalfi, dont toute la côte relevait autrefois. Ce sont les villages de Pogerola, Pastina, Lone, Vettica-Minore et Tovere ; tous les cinq sont situés sur la rive droite du Cannetto, les uns sur le sommet de la montagne, les autres au bord de la mer.


Frédéric Mercey.