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DE LA POLITIQUE ROMAINE.

béiens et, à la faveur de leur effroi, le sénat fit passer une loi qui déclarait ennemi public quiconque, suivant l’exemple de Drusus et des Gracques, proposerait d’accorder le titre de citoyen aux peuples alliés.

Contre une pareille loi un seul recours était ouvert, les armes : les Italiens s’armèrent donc. « De leur part, dit un écrivain romain, c’était la guerre la plus juste ; car enfin que demandaient-ils ? le droit de bourgeoisie dans la capitale d’un empire dont ils étaient les défenseurs[1]. »

Le succès se rangea du côté de l’équité. Un acharnement et des désastres jusqu’alors inouis signalèrent cette lutte d’alliés et de frères. Mais il fallut bien qu’enfin, sur un amas de décombres, le gouvernement romain proclamât des concessions devenues inévitables, et dont Rome elle-même avait semé les germes autour d’elle. Le droit de citoyen, conféré d’abord aux seuls Latins[2], fut étendu bientôt à tous les Italiens[3]. Vainement le sénat chercha-t-il à restreindre, par des chicanes de forme[4], le bienfait arraché par la force ; le triomphe complet des alliés ne laissait plus de doute, car le principe était solennellement reconnu. Depuis le détroit de Sicile jusqu’au Rubicon, l’homme libre marchait l’égal de l’homme libre ; Rome n’était plus la maîtresse de l’Italie ; elle était la première des villes italiennes, et la tête d’une société de peuples égaux.

II.
ACTION DE ROME SUR LES RACES ÉTRANGÈRES À L’ITALIE.

L’œuvre était donc accomplie pour les vieilles populations de la presqu’île italique, pour ces races qui avaient assisté à la naissance de Rome, et toutes ou presque toutes avaient compté des représentans dans son berceau : elle allait commencer pour le reste du monde.

Le détroit de Sicile, au midi ; au nord, le cours de l’Æsar et celui du Rubicon, c’est-à-dire les limites de l’Italie, furent longtemps aussi les limites de la sympathie romaine. Long-temps le

  1. Vell. Pat., II, 15.
  2. Loi Julia, de Civitate sociis et latinis danda, an de Rome, 664. — Avant J.-C., 90.
  3. Loi Plautia, an de Rome, 665. — Av. J.-C., 89. — Les Samnites et les Lucaniens ne furent admis qu’en 670.
  4. Vell. Paterc., II, 20. — Appian., Bell. civ., I, 49. — Epit., Tit.-Liv., LXXX.