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se rattachait par des liens étroits à la conception d’un gouvernement unitaire.

Une des plaies du régime provincial, la plus sensible peut-être, était dans la composition des tribunaux qui jugeaient à Rome les crimes publics, et dont l’iniquité avait soulevé tant de clameurs ; il en commença la réforme.

Il exclut du sénat tout magistrat convaincu de concussion ; et pour compléter cette assemblée dont il porta le nombre à mille membres, il y fit entrer des provinciaux notables, tirés principalement des deux Gaules cisalpine et narbonnaise, ainsi que de l’Espagne. Dans cette circonstance, il n’oublia point son ami et son conseiller, le Gaditain Cornélius Balbus, qui bientôt même fut promu au consulat[1].

Pour arriver graduellement et sans perturbation à cette communication universelle du droit de cité qui devait créer l’unité romaine, César paraît avoir imaginé un système de catégories qu’il ne fit qu’essayer, mais que ses successeurs perfectionnèrent. Ce système consistait à attacher à certaines conditions de lumières, de fortune, d’utilité, des droits propres, des capacités inhérentes à ces conditions, et qui ne dépendissent plus des concessions individuelles et arbitraires du gouvernement. Par là on introduisait directement dans la communauté les classes riches, éclairées, industrieuses, qui présentaient à la fois avantage et sécurité pour l’ordre. La république s’était assimilé jadis, par un procédé semblable, les magistrats des municipes latins, c’est-à-dire la tête de la population latine. César conféra le droit de cité à tous les médecins étrangers pratiquant à Rome, à tous les professeurs des arts et des sciences[2]. Auguste l’étendit aux provinciaux qui, déjà Latins, viendraient dépenser leur fortune en Italie, et feraient, par exemple, à Rome, des constructions d’une certaine valeur : c’est ce qu’on appela le droit d’édifice[3]. Claude, à son tour, y comprit le Latin propriétaire d’un vaisseau de certain tonnage destiné à certain commerce : ce droit fut connu sous le nom de droit de navire[4]. D’autres industries furent favorisées de la même manière, non-seulement dans l’intérêt de Rome et de l’Italie, mais dans l’intérêt de tout l’empire. Les lois Ælia Sentia et Junia Norbana, rendues sous Auguste et Tibère, ouvrirent une

  1. Cicer., ad Famil., X, 32. — Plin., Hist. nat., V, 5 ; VII, 43.
  2. Suet., J. Cœs., 42.
  3. Gaius, Instit. Comm., I, 33. — Cf. Ulpian., Fragm., III, 1.
  4. Ulpian., Fragm., III, 6. — Gaius, 1, 34. — Suet., Claud., 18, 19.