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publique. Le système de représentation nationale, basée sur les anciennes coutumes et sur les anciennes lois de la Suède, offre toutes les garanties du gouvernement constitutionnel, sans entraver outre mesure l’autorité du souverain. L’armée bien entretenue et bien exercée pourrait encore, avec un nouveau Gustave-Adolphe, recommencer une guerre de trente ans. Puis partout, en traversant ce pays, on reconnaît les traces d’une administration vigilante et éclairée, partout des routes superbes, des canaux, des ponts nouvellement construits ; et quand on songe que ce royaume n’a qu’un budget de vingt-quatre millions, que la moitié de sa population est condamnée à lutter contre un climat rigoureux et une nature ingrate, on ne peut s’empêcher d’admirer le pouvoir qui, avec de si faibles ressources, a entrepris tant d’améliorations et achevé tant d’importans travaux.

Dans cette contrée, la presse est libre. Les éditeurs de journaux ne fournissent point de cautionnement, ne paient pas de droit de timbre, et la taxe de la poste, pour une feuille quotidienne, ne s’élève pas à plus de cinq francs par année. Quiconque veut publier un journal n’a qu’une simple permission à demander au chancelier de la cour, et quiconque veut fonder une imprimerie n’a pas de plus grandes formalités à remplir. L’écrivain qui publie un livre, une brochure, un article, n’est point tenu de joindre ostensiblement son nom à son œuvre ; il lui suffit de la remettre sous une enveloppe cachetée à l’imprimeur. En cas d’accusation, c’est à celui-ci de le produire.

La loi défend tout écrit irréligieux, toute attaque directe contre le roi et sa famille, toute manifestation injurieuse contre les fonctionnaires du royaume et les puissances étrangères avec lesquelles la Suède est en paix.

Dans les cas de délits ordinaires, le chancelier de la cour, qui a la surveillance générale de la presse, fait saisir le journal et le supprime. Le propriétaire en est quitte pour prendre un autre éditeur responsable et faire une légère modification au titre de la feuille condamnée. C’est ainsi que l’Aftonblad (feuille du soir) paraît maintenant sous la dénomination de Dix-Huitième Aftonblad. Chaque fois qu’elle a été saisie, elle a seulement changé son numéro. Dans les cas de délits plus graves, le journal est traduit devant un jury composé de neuf membres ; il faut au moins les deux tiers des voix pour le condamner.

En étudiant ces institutions libérales, en énumérant tout ce que le gouvernement actuel a fait depuis vingt ans pour le bien-être et le développement progressif de la Suède, en comparant ce qu’elle était en 1808 à ce qu’elle est aujourd’hui, on ne comprend guère au premier abord quels peuvent être les griefs de l’opposition et d’où vient son aigreur. Ce n’est qu’à la longue, et en la suivant de près dans tous ses mouvemens, qu’on finit par reconnaître la pensée qui la dirige et le but qu’elle désire atteindre. Cette opposition représente un élément démocratique encore faible et incertain, mais qui tend cependant à prendre de la consistance et de la force. Depuis la révolution de 1770, le gouvernement oligarchique de la Suède a passé à l’état de monarchie. Cependant toutes ces grandes familles qui formaient autrefois le sénat régent des rois, tous ces noms