Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
LA PRESSE PÉRIODIQUE DANS LE NORD.

petits évènemens de chaque jour, qui s’en prend aux hommes plutôt qu’aux idées, s’insinue dans l’intérieur des bureaux pour y trouver un sujet de critique, et se figure qu’il travaille au progrès des lumières quand il a lancé une personnalité que la moindre menace le force à réparer le lendemain.

Dans les rangs de l’opposition, il faut citer encore le journal qui a pour titre Freya, bien qu’il ait parfois viré de bord comme un flibustier, et attaque ses confrères en libéralisme avec tout autant d’ardeur qu’il en met ordinairement à attaquer le ministère. C’est une petite feuille vive et spirituelle, mélangée de politique et de littérature, de prose et de vers, peu répandue et peu redoutable au fond, mais assez amusante à lire.

Le gouvernement n’a pour lui que deux journaux, la Minerve et le Statstidning (journal de l’état). La Minerve paraît deux fois par semaine, en petit format in-4o. C’est une espèce de catéchisme politique très prétentieux, très lourd et très monotone. Beaucoup de personnes le regardent comme le journal officiel du comte de Brahe. Quant à moi, je ne puis croire qu’un des plus grands seigneurs de Suède, et l’un des hommes les plus aimables qui existent, consente jamais à prendre pour interprète de sa pensée une feuille aussi peu lue et aussi dénuée de toute influence.

Le Statstidning paraît, comme les deux grands journaux de l’opposition, tous les jours, excepté le dimanche. Il serait difficile de trouver quelque part, un journal officiel plus dépourvu de tact et de courage que celui-ci. Placé en face de deux feuilles qui oublient assez souvent d’être prudentes, il pourrait se faire un très beau rôle, en s’attachant seulement à combattre leurs exagérations, ou à flétrir leurs calomnies ; mais il semble condamné à un état perpétuel de somnolence. Il ne sait ni prévenir une agression, ni attaquer, ni se défendre, et souvent même il se rend coupable de graves maladresses. C’est ainsi, par exemple, qu’à l’époque où les journaux de l’opposition accusaient le plus vivement le gouvernement suédois de se laisser aller aux cajoleries des Russes, le Statstidning se mit à publier une longue série d’articles élogieux sur la littérature russe. C’est ainsi que, quand les journaux de l’opposition s’emparaient avec avidité de l’ouvrage de M. Laing, pour le commenter dans leur intérêt, et pour en reproduire les passages les plus hostiles au gouvernement, le Statstidning n’eut pas même la pensée de prendre sous un autre point de vue ce même livre, qui alors faisait scandale, et d’en faire voir clairement la fausseté et l’ignorance. Plusieurs fois les amis du gouvernement lui ont représenté la nécessité de renier ce journal comme journal officiel, ou de le reconstituer sur d’autres bases. Je ne sais quelle influence secrète l’a emporté sur leurs sages conseils : le Statstidning a continué à vivre comme par le passé, et n’a pas changé d’allure.

Les journaux des provinces sont en général fort insignifians ; la plupart sont rédigés par les recteurs ou les professeurs des gymnases, et soumis à la surveillance d’un fonctionnaire auquel le chancelier de la cour délègue ses pouvoirs. Ces journaux se bornent à reproduire les nouvelles de la capitale, et y joignent celles de leur district. On en compte environ une quarantaine. Quatre