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REVUE DES DEUX MONDES.

Mais avec un murmure aussi doux que son nom,
Un tout petit ruisseau coulant visible à peine ;
Un géant altéré le boirait d’une haleine ;
Le nain vert Oberon, jouant au bord des flots,
Sauterait par-dessus sans mouiller ses grelots…

Un peu plus bas, l’amertume gagne le cœur du poète, à mesure que la sensation du présent lui revient, et traverse en quelque sorte de son ombre les blanches images du passé.

J’avais bien des amis ici-bas, quand j’y vins,
Bluet éclos parmi les roses de Provins :
Du sommeil de la mort, du sommeil que j’envie,
Presque tous maintenant dorment ; et dans la vie,
Le chemin dont l’épine insulte à mes lambeaux
Comme une voie antique est bordée de tombeaux.
Dans le pays des sourds j’ai promené ma lyre,
J’ai chanté sans échos, et, pris d’un noir délire,
J’ai brisé mon luth ; puis de l’ivoire sacré
J’ai jeté les débris au vent, et j’ai pleuré !…

Mais je citerai en entier, dans le genre purement gracieux, une pièce des plus charmantes qu’on puisse lire, parfaite, je crois, d’un bout à l’autre, et qu’on n’a pas assez louée assurément. Je veux parler de la Fermière.

Amour à la fermière ! elle est
Si gentille et si douce !
C’est l’oiseau des bois qui se plaît
Loin du bruit dans la mousse ;
Vieux vagabond qui tends la main,
Enfant pauvre et sans mère,
Puissiez-vous, trouver en chemin
La ferme et la fermière.

De l’escabeau vide au foyer
Là le pauvre s’empare,
Et le grand bahut de noyer
Pour lui n’est point avare ;
C’est là, qu’un jour je vins m’asseoir,
Les pieds blancs de poussière ;
Un jour !… Puis en marche, et bonsoir
La ferme et la fermière.

Mon seul beau jour a dû finir,
Finir dès son aurore ;