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REVUE LITTÉRAIRE.

conversations, les aventures des personnes de sa connaissance. Un premier roman assez vulgaire sert de cadre à des épisodes qui sont autant de romans eux-mêmes : voilà, si je devine bien, le plan de M. Soulié, plan commode qui peut se dilater ou se resserrer, selon l’accueil fait au livre. Rien ne réussit comme le succès, disait spirituellement M. Janin. Cela est vrai, mais le succès ne réussit guère deux fois. Or, la Confession générale ne nous paraît qu’une contre-épreuve assez pâle des Mémoires du Diable. Asmodée, Asmodée, pourquoi donc sortir encore une fois de cette bouteille magique où vous avait enfermé Lesage ? Le confessionnal où vous vous cachez furtivement n’est pas si obscur qu’on ne découvre encore vos griffes. Vous n’avez fait que changer d’habit, et, comme vos histoires n’ont plus leur fraîcheur, et qu’il leur manque l’entrain vif des premiers récits, vous ne tardez guère à les mettre sur le compte d’un M. Valvins, qui n’en peut mais.

Dès l’abord on est en pleine révolution, et, avec son goût de détails sincères, M. Soulié n’épargne à ses lecteurs aucun juron sans-culotte. En 93, à Toulon, un soldat épouse la fiancée de son officier pour la sauver de la mort et la lui rendre bientôt. Mais l’officier disparaît. — Rejoignit-il la jeune fille plus tard ? Je ne sais, car le récit se brise, et l’explication est réservée pour les volumes à venir. En attendant, une vingtaine d’années se passe entre deux chapitres, et l’on est en présence d’une mère mourante et d’un jeune homme qui recueille son dernier soupir. Nous retrouvons là nos héros de tout à l’heure, nos héros de la révolution ; seulement Mme de Varneuil a eu un fils. L’enfant a grandi, il a été élevé, bien entendu, dans l’ignorance absolue du passé ; il n’en sait pas même autant que le lecteur, lequel ne sait pas grand’chose. Sa mère lui laisse quatre lettres de recommandation pour quatre personnages différens qui lui font tous le plus singulier, le plus disgracieux accueil. Tout ceci est plein de mystères, d’acteurs bizarres, inconnus, qui s’expliqueront plus tard. À cette date, le sans-culotte est devenu un riche baron ; le soldat dont Noël porte le nom, qu’il n’a jamais vu et qu’il croit son père véritable, a fait fortune et se prélasse dans son titre de général. Il y a aussi un vieil original podagre dont Noël, j’imagine, sera réellement le fils ; puis un évêque qui ne vaut pas celui de Gil Blas et qui figure aussi en cette affaire. Que veut dire cet imbroglio ? C’est un nœud gordien que M. Soulié dénouera longuement dans les tomes suivans, si son livre est lu, ou qu’il tranchera sans doute comme Alexandre si le public n’y prend pas goût.

M. Valvins, un ami de Noël, se charge de lui expliquer ces incompréhensibles rencontres, et, pour ce faire, il tire de ses cartons de volumineux manuscrits qui ne sont autre chose que l’histoire particulière de chacun des personnages. Comment ce M. Valvins en sait-il si long ? C’est ce que peut seul dire M. Soulié, lequel l’ignore peut-être lui-même à l’heure qu’il est, car tout ceci semble quelque peu écrit au simple et premier courant de la plume. Valvins raconte deux épisodes féminins, et encore nous laisse-t-il, pour le second, au milieu de l’histoire d’une blanchisseuse séduite par un étudiant. Voilà donc deux caractères de femmes, Victorine et Carmélite, une dame et une ouvrière.