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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/501

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REVUE LITTÉRAIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

vient recouvrir, comme dit Dante, le belle cose, les belles choses de l’univers et du soleil ! Nous qui avons vu, et de près, l’épanouissement de toutes ces nobles fleurs ; nous qui étions à Londres, quand Childe-Harold tombait, d’Italie et de la Grèce, sur la société anglaise, comme le rejaillissement d’un volcan lointain ; nous qui étions à Édimbourg quand Waverley faisait rêver les jeunes cœurs les plus austères ou les plus tendres ; nous ne pouvons, à cet aspect d’une décadence inévitable et croissante, repousser une tristesse qui rend plus pénétrantes et plus mélancoliques pour nous les belles strophes de Wordsworth.

Le dernier des noms que l’aimable poète a placés dans sa liste incomplète, mistriss Hemans, est, sans aucun doute, la plus distinguée des femmes poètes que l’Angleterre ait fait naître en ces derniers temps. Ce n’est point une Corinne ou une Sapho : son inspiration manque de force. Elle a moins d’imagination que de tendresse, et cette tendresse est plus douce que passionnée. Mais un grand charme de moralité, une pureté exquise, et les traces fécondes d’une culture intellectuelle très distinguée mettent son talent hors de ligne. Il lui arrive quelquefois de remplacer la pensée ou le sentiment par cette mélodie rêveuse, aussi funeste à la muse du Nord que la mélodie insignifiante des paroles est fatale à la muse du Midi. Les deux poésies, septentrionale et méridionale, ont deux moyens équivalens pour ne rien dire ; l’une file des sons, l’autre enchaîne des soupirs ; une chante des sonnets, l’autre laisse couler ses larmes. La poésie française a bien aussi son lieu commun ; c’est le genre didactique. Un poète français, quand il sommeille, raisonne sur l’amour et sur l’amitié ; un poète italien, quand sa verve est tarie, fait vibrer douze rimes sonores ; une poétesse anglaise, quand elle sent son génie faiblir, s’endort sur une tombe et s’enveloppe de vapeurs.

Immédiatement au-dessous de mistriss Hemans nous placerons miss Letitia Landon, morte très jeune, et qui, mariée en 1838, s’est éteinte loin de son pays[1], au mois d’octobre de la même année. Femme spirituelle et aimable, dont la destinée a été douloureuse ; imagination peu vigoureuse et peu féconde ; douée d’une sensibilité moins vive et moins touchante que mistriss Hemans, mais habile dans son art, sachant varier et colorer ingénieusement ses tableaux, reproduisant avec talent les effets pittoresques ; amoureuse surtout de la pompe, des descriptions brillantes et de la partie théâtrale de la poésie,

  1. Au Cap.