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lasie, ont couvert de leurs paysages une immense surface de cuivre et d’acier ; maintenant c’est le tour de Gibraltar, que le major Hart met à contribution dans un magnifique et stupide volume. Les talens eux-mêmes, conduits en triomphe par le dessinateur, le relieur et le graveur, éditent des almanachs et remplissent de leur prose sans vigueur et de leur poésie sans nouveauté des rames de papier vélin. Ainsi prospèrent et fleurissent sur les cendres de Byron et de Walter Scott cette civilisation de l’industrie, ce sacrifice de l’intelligence aux sens ; et de la pensée à la matière, que l’on retrouve aujourd’hui chez tous les peuples de l’Europe. Miss Landon, qui ne manquait ni de grace ni de facilité ; lady Blessington, remarquable par sa finesse ; Mme Norton, si cruellement traitée par la société anglaise ; Galt, dont les récits ont de l’originalité, ont subi tour à tour cette suzeraineté de l’éditeur, ce pouvoir du papier blanc, cette tyrannie de la vente. Autrefois on faisait des gravures pour un livre ; maintenant on fait le livre pour les gravures. La littérature devient femme de chambre, de maîtresse qu’elle était. Il lui suffit de se voir attelée au char de l’artiste qui achève les vignettes ou couvre de dorures la soie et le tabis.

Le Livre de la Beauté (Book of Beauty), que l’on traduirait infiniment mieux, par les Beautés anglaises, a l’honneur de se trouver édité par lady Blessington ; c’est ce que l’on peut dire de mieux en sa faveur. Ici l’aristocratie des noms propres, celles du luxe, de la richesse et de la coquetterie, vous offrent une vingtaine de figures qui sourient, et qui ont toutes les cheveux lustrés, le bras potelé, la bouche petite, les yeux grands, des fleurs dans les cheveux et la mélancolie peinte dans le geste et l’attitude. Cette galerie vous amuse un moment et vous passez. La Belle d’une Saison (The beauty of a Season), due aussi à lady Blessington, est un livre du même genre ; seulement la gravure ne l’a pas totalement usurpé ; on y trouve, si ce n’est une idée, au moins de la grace dans les détails ; non de la poésie, mais de jolis vers ; non de l’intérêt, mais de l’élégance. Rien ne ressemble davantage aux fleurs coquettes que la monarchie française, prête à s’éteindre, faisait éclore en 1750 : peu de couleur, peu de chaleur, aucun entraînement, quelques observations sans profondeur, enfin l’éclat mourant d’une civilisation factice. Le titre même ne signifie pas ce qu’il a l’air d’exprimer : au lieu de la Belle d’une Saison, lisez : Trois mois de la vie d’une jeune Anglaise. On est belle, on a dix-huit ans ; le monde vous admire pour la première fois ; voici les bals, les guirlandes, les fêtes, la joue qui pâlit, l’incarnat qui