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DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ITALIE.

faire à la nouvelle fantaisie de la reine. Ici commence une suite de cinquante nouvelles entremêlées d’églogues et d’autres pièces de vers ; ce sont cinquante petits drames d’une bizarrerie inconcevable. Des serpens, des chats doués de la parole, des orques bouffons et cruels, toutes les chimères de la mythologie et des traditions chevaleresques, une foule de transfigurations obscènes, splendides, hideuses, toutes les créations les plus monstrueuses de la magie se rassemblent dans les contes destinés à distraire l’épouse de Monterunno. Puis, quand on revient à la princesse Zoza, on croit retomber dans la réalité, ses propres aventures qu’elle raconte dans la dernière nouvelle ne semblent plus qu’une histoire fort vraisemblable. Le roi, instruit par ce moyen de la ruse dont Zoza est la victime, fait tuer la négresse, et il épouse sa véritable libératrice. — Basile, dans le Pentamerone, met en œuvre un merveilleux plus bizarre encore que le merveilleux de la magie. Ici c’est une princesse dont les mains, coupées par ordre d’un roi cruel, sont scellées dans une caisse de cristal et jetées à la mer ; elles traversent l’Océan, et sont pêchées par un prince qui s’enflamme aussitôt d’amour, et va chercher sa maîtresse inconnue à travers une foule de prodiges. — Ailleurs, jouet de je ne sais quel sortilége, un roi voit s’opérer dans son palais une conception magique en vertu de laquelle non-seulement tous les habitans du palais, mais tous les objets inanimés qu’il renferme, éprouvent les symptômes de la grossesse. Au bout de neuf mois, il y a un accouchement universel ; la reine met au monde un enfant, les chaises accouchent d’autant de petites chaises ; tous les objets se dédoublent. Cette extravagante nouvelle se termine par le mariage du fils de la reine, qui est sauvé d’un horrible danger par un enfant né le même jour et combattant avec une épée née d’une autre épée, sous l’influence du sortilége qui a bouleversé tout le palais. — Une fleur qui se métamorphose en jeune fille après une catastrophe fantastique, tel est le sujet d’une autre nouvelle. — Mais c’est surtout le conte du Serpent qui mérite de fixer l’attention. Un serpent transforme en or et en argent massif tout un royaume, pour obtenir en mariage la fille du roi. Dans la nuit des noces, il prend la figure d’un jeune homme, puis il disparaît sous la forme d’une colombe. La princesse son épouse quitte la cour pour le chercher, et elle apprendra enfin le lieu de sa retraite ; c’est un renard, à qui le secret de la demeure du serpent a été révélé par la conversation des oiseaux, qui met fin aux angoisses de la princesse. On le voit, dans la plupart des nouvelles de Basile, il y a comme une crise où l’auteur abandonne l’apologue pour s’élancer dans un monde imaginaire ; la métempsycose se réunit alors à la magie et à un reste de mythologie, et ce mélange enfante une nature vivante remplie de sympathies, d’antipathies, de forces occultes. On voit se jouer au milieu de cette création, des puissances que l’imagination de Basile évoque au hasard. Ces personnages paraissent et s’évanouissent comme des rêves ; mais quelle que soit la bizarrerie des aventures où ils s’engagent, ils gardent constamment cette simplicité, ils entraînent avec cette force qui n’appartient qu’aux traditions populaires. C’est le peuple qui est le grand magicien et le premier créateur de cette fantasma-