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DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE EN ITALIE.

Les comédies de Maggi eurent beaucoup de succès parmi les bourgeois de Milan ; ce bon public fut ravi de l’apparition de Meneghino. C’était l’avénement d’une poésie nouvelle. Mais, d’un autre côté, les éclats de rire soulevés par ces bouffonneries scandalisaient la noblesse. Quelques écrivains voyaient avec peine Maggi déserter la cause de la langue italienne. Maggi avait ses petites tribulations littéraires. Il en fit le sujet de ses Dialogues de l’abbaye des Meneghini. Plusieurs poètes se présentent pour être admis dans l’abbaye : ce sont les caricatures de la ville qualifiées par divers sobriquets ; ils subissent un examen en règle, qui sert de prétexte à Maggi pour répondre à ses adversaires. On cause de l’opéra, de la comédie italienne, et en général on se moque un peu de la haute aristocratie et de la littérature nationale de l’époque. Mme Quinzia se montre assez alarmée de cette satire dramatique qui livre tout le monde à la risée de la canaille ; mais les habitans de l’abbaye la rassurent, et l’on finit par inaugurer la nouvelle poésie en lui formulant ses règles. Ces dialogues, sans être piquans, ont tant de naturel et de laisser-aller, que depuis Maggi, toutes les fois que l’on a discuté en Italie sur la littérature populaire, on a rappelé cette abbaye imaginaire des Meneghini.

Maggi mourut en 1699. Il était secrétaire du sénat de Milan, professeur d’éloquence ; il imprima plusieurs ouvrages en italien ; Muratori et d’autres savans de l’époque parlent de Maggi avec beaucoup d’éloges. Sa vie fut si régulière, que son biographe n’a rien à dire.

Quelques années après la mort de Maggi, le gouvernement espagnol fut remplacé par la domination autrichienne : on entra dans une époque de paix et de bien-être matériel. En même temps on essaya de restaurer la littérature nationale, et la littérature milanaise commença à décliner. Dès les premières années du XVIIIe siècle, les poètes du pays s’en plaignent ; ils accusent les empiétemens de la langue italienne, et s’efforcent vainement de prolonger la vie des personnages de Maggi. Quand on arrive à Balestrieri, vers 1750, Mme Quinzia disparaît, Meneghino change d’entourage, les couvens n’occupent plus le fond de la scène. Balestrieri, en écolier respectueux, essaya de rajeunir le petit monde de Maggi, mais il n’y réussit pas. Si Maggi est monotone, Balestrieri est accablant ; le premier a peu de mouvement, l’autre est absolument immobile ; il ne s’occupe qu’à grandir des riens pour en faire des volumes. Des réceptions de religieuses, la naissance de quelque prince, les éloges de Marie-Thérèse, de Joseph II, des noces, des repas, des enterremens, des complimens aux nobles, au clergé, à l’archevêque de Milan, voilà les sujets de ses vers. Dans sa pénurie d’inspirations, Balestrieri ne sait pas même ce qu’il doit chanter : faute de mieux, il s’attache à parodier les vingt-quatre chants de la Jérusalem délivrée ; puis il met en vers des épigrammes, de petits contes qui couraient les rues depuis plusieurs siècles. Parini lui conseille de traduire Anacréon, aussitôt il se met à la besogne, et Meneghino cède la place au poète de Théos. Un jour le chat de Balestrieri mourut, ce fut l’occasion de ses meilleurs vers ; il écrivit sur cette mort une longue suite de poésies ; une foule de rimeurs de la Lombardie et