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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

En ce qui est de M. Ampère, il ne m’appartient pas de raconter en détail la diversité et la multiplicité des influences, ou, pour mieux dire, des aimantations successives que reçut ce noble esprit avant d’arriver à sa formation entière et à sa constitution actuelle. Châteaubriand, Goethe, Lamartine, Cousin, Fauriel, ont tour à tour ou à la fois agi. De tous ces courans parallèles ou rivaux, de toutes ces lames redoublées (cette image physique et presque domestique est ici permise) il est résulté vraiment une manière de pile de Volta, un appareil littéraire considérable. — Je parlerai encore moins de ces autres influences incomparables qui ne se mesurent pas, et pour lesquelles il faudrait demander un nom aux muses.

Parmi les actions les plus directes qui ont de bonne heure pénétré dans le talent et la méthode critique de M. Ampère, il est juste pourtant de distinguer singulièrement et d’indiquer la part expresse de M. Fauriel. Ce docte et original esprit, dont les idées historiques et littéraires, sans guère franchir encore le cercle de l’intimité, eurent tant d’effet autour de lui dès 1820, peut ici revendiquer un droit que s’est toujours empressé à proclamer, dans sa reconnaissance, le disciple émancipé, devenu maître à son tour. M. Fauriel contribua plus qu’aucun à développer en M. Ampère le goût des origines, à lui faire envisager, hors des enceintes murées des littératures toutes définies, la poésie libre et naïve, s’échappant çà et là par des chants, par des romances populaires, se déroulant par des légendes, et y réfléchissant la vie et l’imagination des diverses races aux âges primitifs ou intermédiaires de la civilisation. Mais M. Ampère, en se livrant même éperduement à ces excursions lointaines et parfois presque sauvages, dut à l’espèce d’idéal poétique que caressa toujours son imagination, de ne jamais renoncer aux monumens des grands siècles, d’en garder le goût, et d’en maintenir le culte en lui, avec une religion, très tolérante sans doute, pourtant très sincère. Par ce dernier côté, il se rattache à M. Villemain, à ce devancier heureux, dont il diffère d’ailleurs avec originalité, et qu’il a pu même continuer d’autant mieux pour sa part qu’il le rappelle moins.

Les voyages ont été un des plus fréquens et des plus actifs moyens d’acquisition intellectuelle pour M. Ampère. Il est l’un des premiers en France qui aient à ce point voyagé dans un simple but de littérature et pour aller étudier sur place, sous toutes les zones, les diverses productions de la pensée. N’y allait-il d’abord que dans ce but d’information curieuse ? Dans ses courses, dès 1826, à travers l’Allemagne, dans ses stations près de Goethe à Weimar, en cette petite