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L’INDUS. — LE SINDH.

À partir de Mittun-Kote, le cours inférieur de l’Indus a été exploré avec exactitude d’abord par Burnes, puis par des officiers de la marine anglaise ; mais de ce point de Mittun-Kote en amont jusqu’à Attock, le cours moyen du fleuve est peu connu. Elphinstone, allant en ambassade à Kaboul, traversa l’Indus sur un bac le 7 janvier 1809, à Kahirie Ghât (31° 28′ L. N.), environ cent soixante-quinze milles au nord de Mittun-Kote. La rivière était à cet endroit divisée en plusieurs branches parallèles, dont la principale était large d’environ mille mètres, avec une profondeur de douze pieds ; c’était la saison des basses eaux. Le lit était sablonneux, un peu limoneux, l’eau pareille à celle du Gange. Près de Kahirie, selon Elphinstone, l’Indus avec ses prairies a un aspect imposant ; sur son rivage oriental est situé le plat pays de Moultân, dont les sables touchent presque le fleuve. Une étroite bande sur le rivage est tout ce que l’intelligente activité de l’homme peut disputer au désert. Cette bande naturellement fertile est parfaitement cultivée, pleine de métairies, de terres labourées et fumées avec soin. Des maisons construites en nattes grossières sur le bord même du fleuve sont élevées sur des plate-formes, soutenues par de forts piliers hauts de douze à quinze pieds, et offrent un refuge pendant les inondations. Sur la rive occidentale de l’Indus, on voyait s’élever le haut pays de l’Afghanistan, en trois chaînes distinctes qui paraissaient superposées l’une à l’autre jusqu’au Takht Soleiman (trône de Salomon), qui les domine toutes, et dont aucun Européen n’a encore atteint le sommet, quoique cette exploration hardie ait été tentée par des officiers de l’ambassade d’Elphinstone[1].

Ce pays de hautes terrasses s’appelle Damaun, c’est-à-dire lisière de montagnes ; il sépare l’Indus de l’ouest. Traversé par un petit nombre de passes, il est sillonné par quelques courans d’eaux tout-à-fait insignifians, enflés parfois en torrens qui roulent avec bruit, mais ne durent qu’un instant. L’Indus, semblable au Nil égyptien, n’a donc aucun affluent de ce côté, et tous ses affluens de gauche, au contraire, se dirigent vers cette contrepente précipitée de l’ouest. C’est comme si tout le système de l’Indus était attiré vers cet ourlet de

  1. MM. Frazer et Harris entreprirent de la gravir, mais la route était si tortueuse, qu’après une marche de douze milles, ils apprirent qu’il leur faudrait encore trois jours pour s’élever près du sommet, que les neiges rendaient d’ailleurs inaccessible ; ce qui, joint au départ prochain de la mission, les détermina à revenir sur leurs pas. La tradition de ces peuples veut que l’arche de Noé se soit arrêtée sur le Takht-Soleiman après le déluge.