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ciant de la place. « C’était chose étrange, dit notre jeune officier, que de voir à la table de Seth Pratom Dass le vétéran qui commandait le Bellérophon, quand le grand Napoléon vint s’y placer sous la protection du pavillon britannique. » Après le repas, et au moment où l’amiral prenait congé du riche Hindou, celui-ci présenta à son excellence un superbe bonnet beloutchi et une pièce de lounghie, comme échantillons des manufactures du Sindh. Le lounghie est un tissu soie et coton nuancé des plus riches couleurs ; la longueur ordinaire d’une pièce de lounghie est de 10 à 12 pieds, et sa largeur de 2 pieds. Roulé autour de la taille, un lounghie forme une ceinture d’une richesse et d’une élégance parfaites. Il paraît qu’il se fabrique à Karatchi une grande variété de ces tissus de soie et de coton, ainsi que des toiles d’une grande finesse et d’un fil très fort avec de jolies bordures de soie. On cite parmi les produits les plus remarquables de cette industrie des pièces de toile destinées à servir de vêtement aux femmes. Ces pièces sont d’abord teintes du plus beau cramoisi, on y imprime ensuite les plus riches dessins, à l’aide d’une composition de gomme et d’étain dont l’effet est précisément celui d’un magnifique tissu d’argent. Des tissus de laine grossiers, et particulièrement une sorte de couverture faite en poil de chèvre et presque imperméable, méritent aussi d’être mentionnés. Au total, il paraît certain que non-seulement les habitans de Karatchi, mais les Sindhis ou Sindhiens, en général, sont adroits et imitateurs par nature, et que différentes branches d’industrie auraient déjà atteint un haut degré de développement parmi eux, si la main de fer du gouvernement musulman n’en eût arrêté l’essor. Les revenus des douanes de Karatchi se sont élevés en 1832 à environ 500,000 francs. Ils ont beaucoup diminué depuis cette époque, ce qu’il faut attribuer surtout à la mauvaise administration des Amirs, qui, au lieu de protéger et d’encourager le commerce, l’écartaient pour ainsi dire par des exactions et des violences dont on ne pouvait prévoir le terme. Indépendamment des articles que nous avons indiqués plus haut, le commerce de Karatchi, qui est surtout un commerce de transit, consiste en noix d’areck, cardamome, cochenille, girofle, draps, cuivre, fers en barre, plomb, quincaillerie, sucres, bois de charpente et autres (qui sont importés surtout de Bombay), etc. Les caravanes de Kaboul et de Kandahar apportent des amandes, des graines de cumin, des dattes, du ghi, du grain, des cuirs, de l’huile, des cotonnades, etc. Karatchi est loin de répondre, par son aspect, à l’idée qu’on doit se former, d’après ce qui précède, de son importance politique et commerciale.