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navigation dans diverses portions de son cours, sont en général d’une grande précision. Il paraît, cependant, que les branches du Delta ont plus de bancs de sable qu’il ne l’avait supposé, et que les embouchures réelles du fleuve se réduisent à peu près à deux, dont la principale est l’Hadjamri (où a débarqué au mois de décembre 1838 le corps d’armée de Bombay, sous le commandement de sir John Keane)[1]. Les lits qui avaient été considérés comme des issues et qui ont été ou ont pu être des embranchemens utiles du fleuve à des époques antérieures, ont entièrement perdu ce caractère. Dans l’état actuel des choses, les deux branches navigables du Delta ne peuvent et ne pourront, probablement d’ici à long-temps, être parcourues avec sûreté que par des navires dont le tirant d’eau n’excède pas sept pieds. Toutefois, à une époque assez rapprochée, la rivière a été navigable pour des navires d’un tirant d’eau beaucoup plus considérable, des débris de navires de cette classe étant encore visibles sur plusieurs points du Delta. Il serait difficile et peut-être impossible, au terme où en sont arrivées nos connaissances, de préciser les causes de changemens aussi rapides que ceux qui sont attestés par ces débris[2]. Il est cependant évident que, faisant toute la part possible aux tremblemens de terre et en particulier à celui de 1819, qui a ruiné une partie de la province de Kutch, il faut admettre qu’il y a quelque chose dans la nature du fleuve ou du pays qu’il parcourt, qui le soumet à de plus grands changemens qu’aucun grand cours d’eau du même genre, et que ces changemens se sont manifestés, pour ainsi dire, par des oscillations fréquentes depuis les temps les plus reculés. Sous ce rapport, le résultat des recherches des ingénieurs anglais a une portée historique intéressante, en ce qu’il démontre l’impossibilité de déterminer avec le moindre degré de certitude, au moins dans le Delta, les lieux que l’expédition d’Alexandre a successivement atteints dans sa marche. Le premier steamer employé à l’exploration de l’Indus[3] n’était pas, à ce qu’il paraît, d’une assez grande force pour

  1. Voyez la livraison de la Revue des Deux Mondes du 1er  janvier 1840, pag. 115.
  2. Tavernier écrivait en 1665 : « … Moultân est une ville où il se fait quantité de toiles, et on les transportait toutes à Tatta, avant que les sables eussent gâté l’embouchure de la rivière ; mais, depuis que le passage a été fermé pour les grands vaisseaux, on les porte à Agra, et d’Agra à Souratte, de même qu’une partie des marchandises qui se font à Lahore. » (Voyage de Tavernier édit. de 1712, vol. II, pag. 62 et suiv.)
  3. Probablement le Snake (serpent), employé depuis pour le service de l’expédition en décembre 1838, et retenu par le colonel Pottinger pour courir entre Hyderabad et Tatta.