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tention de l’Europe. Le gouvernement français a eu raison de ne pas hésiter plus long-temps à reconnaître une indépendance que la victoire de San-Jacinto avait solidement établie, et qui, depuis cette époque, n’a pas couru le moindre danger, malgré les vaines protestations et les armemens illusoires du Mexique. Il aurait commis une grande faute, si, par excès de ménagemens pour une puissance à laquelle nous en devons bien peu, il avait négligé l’occasion de fonder sur des bases équitables et avantageuses nos relations de politique et de commerce avec un pays qui s’élèvera infailliblement à un très haut degré de prospérité. Je sais que les ennemis du Texas invoquent des considérations d’une autre nature pour flétrir sa révolution et son gouvernement ; mais n’eût-il pas été impolitique et contraire aux vrais principes du droit des gens de se refuser à conclure des traités avec le Texas, parce que sa constitution n’a pas proclamé l’abolition de l’esclavage, et parce que la question de l’esclavage serait étroitement liée aux évènemens qui l’ont détaché de la république mexicaine ? Le gouvernement français ne devait pas se préoccuper de ces circonstances ; il n’était pas juge compétent d’une aussi redoutable question, et il lui suffisait de savoir que le Texas entendait se conformer aux lois générales du monde civilisé sur l’abolition de la traite.

Je crois qu’il serait inutile de donner plus de développement à ces considérations préliminaires. L’importance du Texas, la grandeur du rôle qu’il est appelé à jouer, l’activité féconde de la race anglo-mexicaine menaçant déjà sur son propre territoire la race espagnole dégénérée du Mexique, ce sont là des faits qui ont vivement saisi les imaginations et frappé tous les esprits sérieux. On accueillera sans doute avec intérêt, comme on peut le faire avec une entière confiance, ces souvenirs tout frais encore d’un voyageur qui a cherché à bien voir, qui a visité les villes naissantes du Texas depuis la Sabine jusqu’au Rio de las Nueces, qui a remonté ses beaux fleuves, dont les rives sont déjà largement exploitées par l’industrie et le commerce, qui a traversé ses solitudes inexplorées pour la plupart, mais dont la physionomie change tous les jours sous les pas du planteur, et qui en a rapporté un vif sentiment d’admiration pour ce vaste et magnifique pays, auquel les hommes ont enfin cessé de manquer.

La Sabine à l’est, la rivière Rouge au nord, à l’ouest une chaîne de montagnes dont le versant oriental donne naissance aux affluens du cours supérieur du Brazos, à ceux du Colorado et au Colorado lui-même ; puis, dans la direction du nord-ouest au sud-est, pour compléter la frontière occidentale, le Rio de las Nueces, jusqu’à la