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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

Le lendemain de bonne heure, on se remit en route ; mais il fallût s’avancer avec précaution, à cause des sinuosités infinies du cours d’eau que nous remontions, de son rétrécissement en certains endroits, et des troncs d’arbres enfoncés dans la vase, qui gênaient souvent la navigation. Nous retrouvions là les redoutables chicots des fleuves de la Louisiane. Ce n’était plus une rivière que nous parcourions, c’était un ravin profondément encaissé entre deux murs, au-dessus desquels se croisaient et s’entrelaçaient des arbres, qui souvent laissaient à peine distinguer le ciel. La prairie avait disparu : nous traversions une épaisse forêt. Nous passâmes devant Harrisburg, ou plutôt devant ses ruines, car cette petite ville portait encore les traces de l’incendie auquel Santa-Anna l’a livrée pendant la guerre de 1836, et la population, attirée par Houston, qui était alors le siége du gouvernement, n’était pas revenue tout entière sur son ancien territoire.

Houston, qui porte le nom du premier président de la république texienne, est bâtie, comme Harrisburg, sur la rive droite du Buffalo-Bayou, et à la tête de la navigation de cette rivière, qu’on ne peut pas remonter plus loin. Je ne dirai pas qu’Houston est déjà une grande ville, quoique ce soit une capitale ; mais au moins c’est une ville. La principale rue, Main-Street, qui est tirée au cordeau et assez belle pour le pays, vient déboucher sur la rivière ; plusieurs autres, parallèles au Bayou, coupent la grande rue à angles droits ; les trottoirs ne sont qu’indiqués, et les constructions achevées laissent entre elles des vides considérables. C’était au commencement de 1838 que je voyais Houston ; deux années y auront changé bien des choses, et je suis sûr que je m’y reconnaîtrais à peine. Cependant la translation du siége du gouvernement à Austin, sur le Colorado, beaucoup plus à l’ouest, a dû arrêter le développement de la première capitale du Texas.

Tout, dans ces villes improvisées en quelques mois, est encore à l’état d’ébauche très imparfaite. Il y règne une confusion assez piquante et une sorte de chaos dont rien, en Europe, ne saurait donner l’idée. Ainsi nous trouvâmes le débarcadère encore obstrué par d’énormes troncs d’arbres ; on a laissé debout, dans les rues, de grands pieds de pin austral ; la pente qui mène de la rivière à la ville est très raide, et l’on y trébuche à chaque pas sur les souches qui l’encombrent. À côté de maisons d’assez belle apparence, mais dont le bois a fait néanmoins tous les frais, on rencontre çà et là ces cabanes de sauvages appelées log-houses aux États-Unis. Enfin, pour dernier