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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/629

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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

leurs racines, leurs branches et leur feuillage. Au centre seulement il était plus libre, le courant entraînant vers le bord cette masse énorme de végétaux. Il y avait donc pour le batelier péril imminent à traverser ; mais quelques Indiens, ennuyés d’attendre, se jetèrent dans l’eau et atteignirent l’autre rive sans accident. Sur le soir, on put enfin aller chercher tous les autres : notre vieux chef était du nombre ; il portait à la main une longue tige de bambusacée au sommet de laquelle était attaché un drapeau texien.

Les Comanches retournèrent à leurs tentes. De silencieux et grave qu’il était à son passage, le vieux chef était devenu fort expansif. Il répétait à chaque instant le mot de Houston ! Houston ! puis il se frappait la poitrine et nous montrait les présens que le président lui avait faits. Il recommença vingt fois ce manége, dans un état d’exaltation incroyable ; c’était la joie d’un enfant. Vingt fois il se fit apporter un grand sac qui était rempli de verroteries, de couvertures et de pièces d’étoffes rouges. Houston et lui étaient deux grands chefs ; ils étaient amis. Toutefois, lorsque les sentimens tumultueux que faisait naître la vue de tant de richesses se furent apaisés, le caractère de l’Indien reparut. Il invitait les Texiens à entrer dans sa tente, et leur montrant des balles de plomb, il s’écriait : Polvora ! polvora ! (de la poudre ! de la poudre !) ; puis avec un geste significatif il étalait aux yeux de ses visiteurs de belles peaux de buffalo et de daim parfaitement préparées.

Le drapeau que portait le vieux chef indiquait assez que le traité de paix avait réussi ; mais, de la part des Comanches, il ne devait pas être observé long-temps. Cette même troupe qu’on fêtait à San-Felipe volait, quelques jours après, tous les chevaux qu’elle rencontrait dans les environs de Béjar. Trois Texiens, entraînés par la passion des aventures, le désir de gagner de l’argent et d’ouvrir de nouvelles voies au commerce, avaient accompagné les Indiens dans leurs sauvages retraites. Ces malheureux ne devaient jamais revenir ; on apprit que l’un d’eux avait été assassiné long-temps même avant que les Comanches eussent atteint leurs wigwams, et on n’entendit plus parler des deux autres.

Les restes affaiblis des Indiens Tankoways et Tarankoways habitent le pays qui sépare le San-Antonio de la rivière de la Vaca ; c’est à peine s’ils pourraient mettre cent guerriers en campagne. Le Texas n’a donc rien à craindre que des Comanches, et la population blanche aura souvent à se défendre contre cette race hardie, vigou-