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Santa-Rosa, n’ayant jamais eu aucune réponse du corps exécutif à ses premières offres de service, insista de nouveau pour faire partie de cette expédition. On lui répondit « que son nom, trop connu, pouvait compromettre le gouvernement grec auprès de la sainte-alliance, et que s’il voulait continuer à rester en Grèce, on le priait de le faire sous un autre nom que le sien », sans qu’on lui offrît pour cela aucun emploi civil ni militaire.

« Ce fut en vain que ses amis voulurent lui représenter qu’il avait plus que rempli toutes les obligations qu’il pouvait avoir contractées envers les députés du gouvernement grec à Londres, envers ses amis, envers lui-même ; qu’il ne devait rien et ne pouvait rien devoir à une nation qui n’osait pas ouvertement avouer ses services. Santa-Rosa partit de Napoli le 10 avril, habillé et armé en soldat grec, et sous le nom de Dérossi. Il rejoignit le quartier-général à Tripolitza, et l’armée destinée à assiéger Patras s’étant portée au secours de Navarin, il suivit le président à Leondari. Là, le prince Maurocordato se portant en avant pour reconnaître la position des armées et l’état de Navarin, Santa-Rosa demanda à le suivre. Il prit part à l’affaire du 19 avril contre les troupes d’Ibrahim-Pacha, et entra le 21 dans Navarin.

« Il avait constamment sur lui le portrait de ses enfans. Le 20, s’étant aperçu que quelques gouttes d’eau avaient pénétré entre le verre et la miniature, il l’ouvrit, et voulant l’essuyer, il effaça à moitié la figure de Théodore. Cet accident l’affligea amèrement. Il avoua à Collegno qu’il ne pouvait s’empêcher de considérer cela comme un mauvais présage, et le 21 il écrivait à Londres à un ami : Tu me riderai, ma sento dopo di cio ch’io non devo piu rivedere i miei figli.

« Resté dans Navarin, où la faiblesse de la garnison empêchait de prendre l’offensive, il passa quinze jours à lire, à penser et à attendre la décision des évènemens. Ses dernières lectures furent Shakespeare, Davanzati, et les Chants de Tyrtée, de son ami Provana.

« Cependant l’armée grecque destinée à faire lever le siége s’était débandée ; la flotte grecque n’avait pu empêcher la flotte turque d’aborder à Modon. Le siége, qui avait paru se ralentir les derniers jours d’avril, était repris avec plus d’ardeur, la brèche était ouverte et praticable, l’ennemi logé à cent pas des murs. Les deux flottes combattaient tous les jours devant le port, qui était encore occupé par une escadre grecque. Le 7 au soir, le vent ayant poussé les Grecs au nord, on craignit que les Turcs ne cherchassent à s’emparer de l’île de Sphactérie qui couvre le port. Elle était occupée par mille