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SANTA-ROSA.

à la misère, émurent Santa-Rosa. Il donna au papas ce qu’il avait d’argent sur lui. Le surlendemain, comme nous partions pour Athènes, le papas descendait de la ville, comme autrefois les prêtres de Neptune, et de la place où était jadis le temple de ce dieu, il bénissait notre barque.

« Au commencement de mars, Santa-Rosa paraissait avoir renoncé à toute idée de s’établir en Grèce avec sa famille. Toutefois il ne voulait pas partir sans avoir du moins vu les ennemis. Un envoyé du comité philhellénique de Londres (M. Whitcombe) arriva alors à Napoli de Romanie, porteur de plaintes de ce comité contre les députés Luviotti et Orlando, qui compromettaient, disait-on, le sort de la Grèce en y envoyant des hommes connus par leur opposition constante à la sainte-alliance. C’est à l’arrivée de M. Withcombe que Santa-Rosa dut peut-être d’être réduit à faire la campagne comme simple soldat.

Le 16 mai, lorsque Collegno disait dans la tente du lieutenant d’Ibrahim-Pacha à Modon que Santa-Rosa était dans l’île de Sphactérie lorsque les Égyptiens l’avaient attaquée, au moment où Soliman-Bey lui répondait que Santa-Rosa n’était point parmi les prisonniers, un vieillard turc à longue barbe d’argent s’approcha de Collegno, et lui dit en français : « Comment, Santa-Rosa était dans l’île de Sphactérie, et je ne l’ai pas su pour lui sauver la vie une seconde fois ! » C’était Schultz, Polonais, colonel en France, à Naples, puis en Piémont en mars 1821, puis en Espagne sous les cortès, puis en Égypte. Il était autrefois arrivé à Savone au moment où des carabiniers royaux avaient arrêté Santa-Rosa. À la tête d’une trentaine d’étudians armés, il l’avait délivré de sa prison, c’est-à-dire de l’échafaud, et, quatre ans plus tard, il dirigeait en partie l’attaque dans laquelle Santa-Rosa succomba ! »


Quelle tragédie, bon Dieu, dans la fin de cette lettre ! Quel contraste que celui de Santa-Rosa mourant fidèle à une seule et même cause, et de cet aventurier errant de contrée en contrée, ici sauvant Santa-Rosa, là le massacrant peut-être, changeant de drapeau comme de religion, et, dans cette absence de toute vraie moralité, conservant encore une sorte de générosité naturelle et le respect du soldat pour le courage malheureux !

Un Français, M. Édouard Grasset, attaché au prince Maurocordato, et qui était venu avec lui pour observer l’état de défense de l’île de Sphactérie, qui venait en ce moment d’être attaquée par les Arabes,