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George Sand, et tout ce qui se rattache à ce nom. Ici l’on n’a qu’à se féliciter. Avec bon nombre de ces qualités qui peuvent à bon droit sembler souveraines, il ne s’est rien rencontré (exception bien rare !) d’exclusif contre ce qui entoure, rien de littérairement chatouilleux sur soi-même ni sur les autres ; mais, au contraire, une sorte d’insouciance généreuse et de courage d’esprit qui ne demande qu’à toujours aller. Des phases nombreuses se sont déjà succédées ou plutôt croisées dans ce talent d’écrivain de plus en plus élargi. Aux purs chefs-d’œuvre du roman, auxquels, lorsqu’on y réussit à ce point, nul genre (il est bon de le maintenir) ne saurait être dit supérieur, il s’est mêlé des essais plus ambitieux dans des sphères moins définies, de ces recherches qu’une pensée ardente et immortelle n’a pas le droit non plus ni le pouvoir de s’interdire. Qu’il aille donc ce talent à la plume si sûre, qu’il épuise çà et là ses fougues d’essor, mais que surtout il revienne encore souvent au naturel et charmant récit. Dans ces hautes influences philosophiques qu’il ne se refuse pas, il est, par rapport à tous, une simple précaution à garder : c’est de songer parfois à ceux qui sondent à d’autres points la sphère infinie, ou qui même, lassés, ne la sondent plus, et de se rappeler aussi que l’actuel espoir, l’impétueux désir des fortes ames n’est pas le but trouvé.

Si quelque regret tempère la satisfaction et le respect qu’inspirent les doctes et courageux travaux de l’école encyclopédique de MM. Leroux et Reynaud, c’est à cause de l’aspect parfois exclusif et répulsif que se donne dans l’expression une doctrine si vaste, si patiente au fond, si faite en définitive pour comprendre et tolérer. Qu’elle consente à se relâcher un peu de l’absolu de la forme et de la rigueur affirmative, à s’interdire envers les adversaires une chaleur de réfutation trop facile et qui déplace toujours les questions, qu’elle permette autour d’elle à bien des faits de détail de courir plus librement sous le contrôle naturel d’un empirisme éclairé, et elle aura permis qu’on s’appuie souvent avec avantage sur elle sans s’y ranger nécessairement ; elle aura fourni un contingent utile à une œuvre pratique d’intelligence et d’indépendance qu’elle est digne d’apprécier, car, chez elle aussi, si je ne me trompe, et derrière ces grands développemens de croyances, la maturité personnelle et l’expérience secrète sont dès long-temps venues.

Un des plus clairs résultats des doctrines vagues qui se rattachent au mot de saint-simonisme a été négatif, comme cela arrive souvent : elles ont eu pour effet de neutraliser, de couper chez beaucoup de