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NOUVELLES SATIRES.

quitte le palais de la France pour aller réclamer le secours de Mammon. Nous entrons dans le temple de ce dieu païen ; là nos oreilles entendent des prières monstrueuses ; tous les crimes enfantés par la cupidité sont racontés devant l’autel du dieu avec une franchise effrayante. Pot-de-Vin demande conseil à son père, qui, pour toute réponse, ne lui jette qu’un mot : la peur. Ne comprenant pas le sens de cette réponse mystérieuse, Pot-de-Vin s’adresse au grand prêtre de Mammon, qui lui en explique toute la portée. Que Pot-de-Vin réveille l’émeute, et la France tremblante aura bientôt congédié l’Espagne, l’Italie et la Pologne. Pot-de-Vin suit ponctuellement le conseil du grand-prêtre, et en effet, au quatrième acte, nous retrouvons les trois suppliantes essayant vainement d’attendrir la France épouvantée. Nous renonçons à discuter la valeur poétique des ressorts employés par M. Barbier. Quelles que soient notre admiration et notre déférence pour le talent de l’auteur, nous sommes forcé de condamner sans réserve le poème que nous venons d’analyser. On remarquera certainement de belles pensées noblement exprimées dans la première partie de cette composition singulière ; mais il y a dans le reste de l’ouvrage tant d’incohérence, de confusion et de puérilité, que ces belles pensées ne peuvent décider le lecteur à l’indulgence. Disons-le donc avec une entière franchise, Pot-de-Vin n’est ni une satire ni une comédie ; l’auteur, en écrivant cet ouvrage que je ne sais comment nommer, s’est complètement trompé ; son intention était contraire aux lois de la poésie, et son œuvre est encore bien au-dessous de son intention. C’est précisément parce que nous admirons les Iambes et le Pianto de M. Barbier, que nous croyons devoir condamner Pot-de-Vin avec une sévérité absolue. M. Barbier a fait ses preuves, nous savons la mesure de ses facultés ; nous pouvons donc, sans injustice, nous montrer exigeant. Qu’il n’impute qu’à lui-même la rigueur de nos paroles d’aujourd’hui. S’il avait moins fait, nous pourrions hésiter à dire toute notre pensée ; mais la valeur évidente de ses précédens ouvrages nous met à l’abri du reproche de cruauté. Nous devons des ménagemens aux poètes qui débutent ; nous ne devons à ceux dont le nom est justement populaire que l’expression franche de notre pensée. Si la critique, par respect pour les noms glorieux, s’interdisait la manifestation complète de son mécontentement, elle manquerait à ses devoirs, à sa mission, et perdrait bientôt toute autorité.

Le poème d’Érostrate est assurément très supérieur au poème précédent. M. Barbier nous dit, dans sa préface, « qu’il a voulu, sous le