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REVUE DES DEUX MONDES.

je suis le roi don Pèdre, que si je pouvais me dépouiller de la majesté qui vous tient prosterné à mes pieds, ma personne seule ferait sur vous l’effet que produit en ce moment la dignité royale. Mais puisque cela ne dépend pas de moi, puisque c’est par le bras de la loi que je dois vous punir, je veux en vous quittant vous laisser un gage d’amitié, que vous n’oublierez pas sans doute. Recevez ceci à compte de ce que vous avez si bien mérité.

(Il lui prend la tête et la frappe violemment à plusieurs reprises contre une colonne.)


On doit comprendre l’effet terrible que produit à la représentation cette énergique peinture des mœurs rudes et violentes du moyen-âge.

Don Tello est resté accablé sous le poids de l’indignation, de la honte et de la terreur. Tout à coup il voit paraître don Gutierre, le confident et le conseiller du roi, accompagné de Léonor et de dona Maria qu’on est allé chercher à Alcala. Don Gutierre déclare au rico hombre que, chargé par le roi d’informer sur les plaintes qu’elles ont élevées contre lui, il vient lui demander ce qu’il a à répondre. Don Tello avoue tous les faits qu’on lui reproche ; mais, déjà revenu à son incorrigible arrogance, il ne peut croire, dit-il, que pour de pareils motifs on châtie un homme tel que lui. En ce moment même le hasard amène don Rodrigue, qui depuis son entretien avec le roi ne rêve que vengeance. À peine a-t-il aperçu don Tello qu’il met l’épée à la main et se précipite sur lui. Au bruit de leurs armes qui se croisent, le roi sort de son appartement, il les fait arrêter comme coupables de lèse-majesté, pour avoir tiré l’épée dans son palais.


Don Rodrigue. — Mais ne m’avez-vous pas dit, sire, que je pouvais, sans me rendre coupable, venger mon honneur ?

Le Roi. — Non pas ici, par un acte qui blesse mon autorité et le respect dû à ma personne. Au surplus, c’était don Pèdre qui vous donnait ce conseil, et c’est le roi qui vous fait arrêter.

Dona Maria. — Grace, grace pour mon époux !

Le Roi. — Il ne peut plus l’être, et je vous conseille d’en chercher un autre ou d’entrer dans un couvent.


Don Rodrigue est conduit en prison. Avant qu’on n’emmène aussi don Tello, le roi lui demande quelles sont ses intentions à l’égard de Léonor. Il avoue encore une fois qu’il l’a séduite en lui promettant sa main, mais il refuse de tenir cette promesse ; il offre, pour dégager sa parole, une partie de sa fortune. Léonor indignée s’écrie qu’elle n’acceptera que sa main ou sa tête.


Don Tello. — Un rico hombre ne peut mourir pour un délit de cette espèce.

Le Roi. — Qui est l’auteur de la loi que vous invoquez ?

Don Tello. — C’est un privilége accordé par les rois vos ancêtres aux grands de leurs états.