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LES SCIENCES EN FRANCE.

fre où les académies ne tardèrent pas à aller les rejoindre. Mais l’esprit scientifique est si vivace parmi nous, qu’à peine sortis de la terreur, et lorsque l’Europe entière nous regardait encore avec une sorte d’effroi, nous fîmes surgir, comme par enchantement, du chaos révolutionnaire les établissemens les plus utiles aux sciences et les plus glorieux pour le nom français. N’est-ce pas un spectacle bien singulier, monsieur, que de voir, après la mort ou la dispersion des Girondins, la Convention, où ne restaient guère que des hommes illettrés qui s’étaient attaqués avec acharnement à toutes les supériorités, oublier soudain qu’elle a l’Europe à combattre, et décréter coup sur coup la création de l’École polytechnique, de l’École normale, du Bureau des longitudes et de l’Institut ? Ce fait, qui caractérise l’esprit français et qui l’honore, ne me semble pas avoir été assez mis en relief par les historiens de la révolution. Les hommes qui nous gouvernent ne devront jamais oublier qu’il fallut plusieurs années de tentatives et la volonté de Napoléon pour rendre les églises au culte, tandis que le cri de l’opinion publique avait su forcer un gouvernement révolutionnaire, et peu favorable aux études, à rouvrir subitement nos académies et nos écoles.

Ce n’est pas du progrès de l’instruction parmi nous, mais de l’état des sciences que je dois vous parler. Vous ne serez donc pas étonné si je ne m’arrête pas aux établissemens où l’on ne reçoit qu’une instruction élémentaire, et si je commence par les corps savans qui ont leur siége à Paris ; car c’est de Paris surtout que jaillit la lumière. À la vérité, il y a en province des hommes distingués qui cultivent les sciences avec autant de modestie que de succès ; mais leurs travaux, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, n’ont pas assez de retentissement, et sont peu connus, même dans le reste de la France. C’est un inconvénient auquel il est difficile de porter remède ; car non-seulement Paris efface tout, mais il offre trop de jouissances à l’ambition, trop d’avantages au talent, pour que l’on puisse espérer que la province garde aussi souvent qu’il le faudrait les hommes dont tout le pays aurait reconnu la supériorité.

Les grands établissemens scientifiques de Paris sont l’Institut, la Faculté des sciences et celle de médecine, le Collége de France, le Jardin du roi, le Conservatoire des arts-et-métiers, le Bureau des longitudes, auxquels on peut ajouter les écoles spéciales supérieures telles que l’École polytechnique, l’École des mines, celle des ponts-et-chaussées et l’École normale. Il serait difficile de rencontrer dans aucune autre ville du monde une réunion plus complète de moyens