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de son influence, tourna fréquemment au profit des sciences, et fut souvent favorable aux hommes qui les cultivent.

Mais si, dans les dernières années de la restauration, l’ascendant de M. Arago eut des avantages pour l’Académie, il devint nécessairement inutile et même dangereux dès que les besoins qui l’avaient créé eurent cessé de se faire sentir. Après la révolution de 1830, le gouvernement n’a jamais tenté de s’immiscer dans les affaires de l’Institut, et cependant, au lieu de diminuer, le pouvoir de M. Arago n’a fait que grandir. Nommé, par suite de la mort de Fourier, secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques, il ajouta à son influence personnelle celle que lui donnait la place éminente qu’on venait de lui conférer. Je ne m’arrêterai pas, monsieur, à vous signaler toute l’importance des fonctions que remplissent les secrétaires perpétuels, car elle ressort du titre même. Inamovibles, réglant la marche des travaux de l’Académie dans les sciences qui les concernent, dirigeant les rapports qu’elle doit avoir avec le public, administrant les fonds, surveillant les impressions, chargés dans les éloges de déterminer la part de gloire qui revient à chacun de leurs confrères, les deux secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences jouissent, même sans la chercher, de la plus grande autorité. Imaginez, monsieur, ce que cela dut être chez M. Arago, avec ses précédens, avec son instinct de domination, surtout lorsque, par la mort de Cuvier, il perdit un collègue avec lequel il fallait réellement partager le pouvoir ! D’ailleurs, la carrière politique dans laquelle M. Arago se lança après la révolution de juillet, le rôle qu’il voulut jouer à la Chambre, lui firent sentir encore plus la nécessité d’établir son autorité à l’Académie. Et comme, par suite de ses préoccupations politiques, il fut conduit à s’éloigner de plus en plus de la culture des sciences, et qu’il voulut se faire de l’Académie une tribune (ce qui l’amena à ce singulier système d’éloges dont malheureusement il a tant abusé), il dut s’appliquer à prévenir toute tentative d’indépendance de la part de ses confrères, qui commençaient à regarder avec surprise le chemin qu’on leur avait fait parcourir, sans pourtant comprendre encore toute la gravité de ces innovations.

Nous voici arrivés, monsieur, à un point délicat, c’est-à-dire à rechercher quels ont pu être les moyens employés par M. Arago pour s’assurer le concours de l’Académie. De nos jours, tous les partis s’accusent avec une légèreté inconcevable de corruption en matière électorale ; mais, malgré tout ce qui a été dit à ce sujet, on