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circonstance, l’Académie tout entière prêta main-forte à M. Arago : ses amis pour le soutenir, ses adversaires pour se venger de la presse, dont ils avaient eu souvent à se plaindre. Ce fut une grande faute que de céder à un petit ressentiment plutôt que d’accueillir et de protéger le seul principe d’émancipation et de résistance qui restât encore. Après cet incident, qui n’eut pas de suite, M. Arago marcha de succès en succès, et, s’il avait montré plus de modération dans la victoire, il aurait réduit au silence tous ses adversaires. Mais, enivré par la faveur populaire, il franchit quelquefois les bornes, et, ne ménageant pas assez ses confrères, il eut même le malheur de rompre, sur des prétextes frivoles, avec ses plus anciens amis, avec les membres les plus considérables de l’Académie, qui, néanmoins, dans l’intérêt des sciences, et un peu aussi pour ne pas compromettre leur tranquillité, hésitèrent long-temps avant de se déclarer contre lui, et se bornèrent pour la plupart à se tenir à l’écart.

Toutefois, poussés par l’instinct de la défense, les hommes indépendans se groupèrent peu à peu, et, dans quelques circonstances, ils surent résister avec avantage et faire prévaloir leur droit. M. Arago ne put voir sans un vif regret plusieurs de ses candidats écartés successivement par l’Académie, qui en choisissait de plus dignes. Après la colère cependant, vinrent les réflexions, et il sentit la nécessité de ne pas laisser à l’opposition le temps de s’organiser. Se rapprochant alors brusquement de ses anciens adversaires, il leur fit des avances, leur tendit la main et prit la défense des personnes qu’il avait souvent attaquées, qu’il avait même poursuivies des accusations les moins mesurées. C’est ainsi qu’après avoir fait la paix avec M. Biot, il s’est réuni au parti ultra-religieux, qu’il avait tant combattu sous la restauration. De cette manière, M. Arago est parvenu à se rendre de nouveau formidable, et il a eu souvent bon marché d’une opposition qui flotte un peu au hasard. Malheureusement rien n’est durable dans ce monde ; lorsqu’il se croyait bien consolidé, il lui surgit des ennemis là où il devait s’y attendre le moins. Voici, monsieur, quelques détails sur ce nouvel incident, qui peut avoir les suites les plus graves pour la popularité et l’influence de cet habile astronome.

À la dernière séance publique de l’Académie des sciences, M. Arago a lu l’éloge d’Ampère, savant géomètre qui a cultivé avec éclat toutes les branches des connaissances humaines, et auquel la physique doit de notables progrès. Cet éloge, dont la lecture a duré près de trois heures, n’a eu, il faut l’avouer, qu’un médiocre succès. Malgré ses sympathies pour l’auteur, la presse a été presque unanime à cet