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LES SCIENCES EN FRANCE.

égard, et, quoique avec ménagement, elle s’est exprimée là-dessus en termes fort clairs. On s’était accoutumé à ne pas toujours trouver dans les éloges que prononçait M. Arago le respect des belles traditions académiques que Cuvier et Fourier avaient laissées. On savait que pour lui, la science n’était pas l’affaire principale, et qu’il la sacrifiait quelquefois à la popularité ; mais on croyait qu’après avoir poussé le système dramatique et anecdotique à l’excès dans son éloge de Carnot, il avait choisi exprès Ampère, qui n’avait jamais été un homme politique, pour faire amende honorable et revenir aux habitudes de l’Académie. L’attente du public a été bien déçue, lorsqu’on a entendu le secrétaire perpétuel parler si long-temps de choses totalement étrangères à la science, réciter des vers de Boileau, raconter des anecdotes douteuses, s’arrêter longuement sur les distractions si connues d’Ampère, et ne dire que quelques mots, qui ont paru à peu près inintelligibles, sur les travaux scientifiques du savant académicien. À chaque instant, M. Arago répétait qu’il n’avait pas le temps d’exposer les découvertes d’Ampère, et il prolongeait cependant son récit par de nouvelles anecdotes, et tout cela dans un style si diffus et d’une manière si décousue, qu’à la fin l’impatience avait gagné tout le monde. Les avis, je viens de le dire, furent unanimes dans l’auditoire, et la presse tout entière (excepté la Quotidienne) rendit fidèlement les impressions de la séance. Le Journal des Débats consacra à l’examen de cet éloge un article fort développé, où la question était traitée à fond, bien qu’avec beaucoup de modération. Là-dessus grande rumeur à l’Observatoire et grande colère chez M. Arago. Il paraît même que, dans la vivacité de son ressentiment, le savant astronome fit adresser des reproches et des espèces de menaces au docteur Donné, qui était l’auteur de cet article. Huit jours après, M. Donné, rendant compte de l’élection qui venait d’avoir lieu du vice-président de l’Académie, parla de ces menaces, et, à propos des trois tours de scrutin qui avaient été nécessaires pour arriver à un résultat, signala, avec mesure pourtant et sous forme dubitative, l’apparition d’un parti qui se serait formé derrière M. Arago, et dont ce savant astronome aurait été le chef. D’après tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire jusqu’ici, vous croirez facilement, monsieur, qu’il avait été souvent question à l’Académie de l’existence de ce parti ; mais enfin le public n’en avait jamais été instruit par les journaux, et il lui était permis jusqu’à un certain point de l’ignorer. Vous pouvez donc vous figurer si le ressentiment du secrétaire perpétuel dut être apaisé par ce nouvel article, qui renfermait