Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/814

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
806
REVUE DES DEUX MONDES.

question scientifique, la ramener à ses élémens les plus simples, éviter tout ce qu’elle a de trop difficile, et la présenter au public sous un aspect si séduisant, que les auditeurs s’imaginent avoir compris parfaitement des choses dont, privés comme ils le sont le plus souvent des connaissances nécessaires, ils ne sauraient avoir aucune idée nette. Cette faculté par laquelle M. Arago sait captiver l’attention de son auditoire et qui lui a valu tant de succès, jointe à la peine avec laquelle il travaille, aux fonctions politiques qu’il remplit, et qui lui prennent presque tout son temps, l’ont peut-être conduit à penser, bien à tort cependant, qu’il lui était inutile de se livrer à de nouveaux travaux scientifiques, et qu’il lui suffisait de parler pour augmenter sans cesse sa réputation. Mais on commence à remarquer que, depuis quinze ans, M. Arago n’a fait aucune observation, aucune recherche nouvelle, et qu’actuellement en substance tous ses travaux se réduisent en projets d’expériences qu’il a l’air quelquefois d’improviser au moment de la séance, en communications verbales relatives à des faits déjà anciennement connus, et en anecdotes scientifiques ou en extraits de la correspondance. M. Arago est très heureux lorsqu’il peut rencontrer une de ces questions singulières qui excitent la curiosité du public. On se rappelle avec quel empressement il rendit compte, il y a quelque temps, des pluies de grenouilles. Pendant trois mois, il en fut souvent question à l’Académie ; mais un érudit allemand ayant cru devoir citer, à l’appui de ce fait extraordinaire, je ne sais quel auteur ancien qui raconte une pluie de bœufs, le secrétaire perpétuel se le tint pour dit, et depuis cette époque on n’en a plus parlé. Une autre fois, ce furent les étoiles filantes périodiques que M. Arago annonça avec pompe. À cette occasion, un de ses confrères ne put s’empêcher de lui jouer un tour d’écolier ; car, quelque temps après, il lut à l’Académie un mémoire où il commençait par citer votre savant ami M. Olmsted, à qui l’on doit cette remarque importante, et que M. Arago avait oublié de mentionner. Depuis plus d’un an, M. Arago ne cesse d’entretenir l’Académie de la découverte de M. Daguerre, de sorte que la salle des séances est devenue une espèce d’exposition permanente des produits de tous les opticiens de Paris. Il serait temps de mettre un terme aux communications de cette nature qui s’adresseraient bien mieux à la Société d’Encouragement, car rien n’est moins scientifique ni moins conforme aux usages de l’Académie et à la dignité des sciences, que la manière dont se manifeste la curiosité du public lorsqu’on lui présente (pour me servir de