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un pareil jugement, nous n’hésiterons cependant pas à ajouter qu’il est applicable à chacun des grands centres de l’Italie, aux théâtres de Turin, de Milan et de Venise, comme à ceux de Florence, de Rome et de Naples.

Quelque sévère qu’elle puisse paraître, cette opinion semble partagée par la société italienne, qui ne va plus au théâtre que pour faire ou recevoir des visites, tenir conversation et entendre un peu de musique, quand par hasard l’impresario a loué pour la saison un ou deux artistes de talent, ce qui est fort rare. La foule, qui voudrait rire, et que l’assommant dialogue de la comédie noble fait bâiller, remplit les petits théâtres où se jouent l’impromptu et la farce. Là règne une sorte de gaieté grossière, licencieuse même ; mais du moins c’est de la gaieté. Là seulement on peut trouver aujourd’hui la peinture comique du caractère du peuple italien, l’expression vive du côté plaisant de son esprit. Nous ne nous occuperons ici que de ces théâtres populaires, et particulièrement des petits théâtres de Florence, de Rome et de Naples, comme les plus franchement italiens. Qu’on ne s’imagine pas, du reste, que ces petits théâtres ressemblent en aucune façon à leurs analogues de Paris, au Gymnase, au Vaudeville, au théâtre du Palais-Royal. Le théâtre de Débureau, quand il est bien composé, peut seul en donner une idée. À Florence, un théâtre comme celui du Palais-Royal serait presque un théâtre du premier ordre, et pour la tenue, le bon goût et les belles manières, ses acteurs en remontreraient aux premiers sujets de la Pergola ou du Cocomero.

Dans ces petits théâtres florentins, dont nous parlerons d’abord, on ne joue guère que des pièces à tiroir et des farces plus ou moins extravagantes. Les acteurs, que les trois quarts du temps on ne voudrait pas toucher avec des pincettes, improvisent sur un canevas donné. Ces malheureux en haillons sont pleins de verve, de saillies et d’imprévu. Le rire s’est réfugié sur leurs tréteaux, et l’on est étonné de retrouver là quelque chose de cette vieille comédie satirique des Italiens, dont la Mandragore est le chef-d’œuvre. Les acteurs et auteurs de ces petites pièces recherchent avant tout la vérité, quelque triviale qu’elle soit, et ils ne reculent devant aucun détail pour arriver à leur but. Ce sont les mœurs du peuple qu’ils peignent de préférence. Les marchands, les ouvriers, les voiturins, les femmes des marchés, figurent tour à tour dans ces compositions, dont le comique ne réside guère que dans un dialogue plein de locutions populaires et souvent mêlé de patois, et dans le jeu plus ou moins