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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

qui, en se débattant, laisse sa perruque blonde entre les mains d’un des gardes ; sa tête chauve, ses gros sourcils noirs et sa face balafrée lui donnent l’air le plus comique du monde.

Le prisonnier implore le pardon du prince d’une voix suppliante ; il a voulu seulement ménager une surprise à la princesse dans le but de la divertir ; il n’est pas coupable.

— Et alors pourquoi t’es tu caché ?

— Je croyais sortir de la chambre, j’ai pris ce coffre pour la porte.

— Non pas, don Stentarello, vous êtes un vieux débauché, et vous allez être puni par où vous avez péché.

Le prince accompagne ces paroles d’un geste terrible, et tire un énorme couteau de chasse dont la lame, dit-il, coupe comme un rasoir. (Applaudissemens frénétiques du parterre.) Stentarello, à la vue du couteau, essaie, mais vainement, d’échapper aux quatre vigoureux compères qui le retiennent chacun par un membre. Il proteste vivement de son innocence, et jure par la madone, par le corps du Christ et tous les saints du paradis, qu’il n’a pas péché, que même il ne pouvait pécher, ajoute-t-il d’un air contrit en baissant piteusement la tête. Mais le prince paraît inflexible, et comme Stentarello voit toujours briller le formidable couteau, il se lamente, pleure comme un enfant, et fait vœu, s’il échappe à ce danger, de suspendre à l’autel de la santissima madonna un bel ex voto.

— Et que représentera ce bel ex voto ? lui demande le prince.

— Le pauvre Stentarello sauvé du couteau.

— Et tu appelles cela un bel ex voto ! la madonne n’en voudrait pas, tu lui ferais peur.

Le prince brandit le couteau et s’approche ; Stentarello pousse un si terrible cri, qu’il tire la princesse de son évanouissement. Le malheureux la prend à témoin de son innocence.

— Ne le croyez pas, c’est un grand coupable, répond la princesse.

— Tu vois dit le prince s’adressant au patient.

— Coupable ! généreuse princesse… de quoi suis-je donc coupable ? Vous savez que je n’ai commis aucune méchante action.

— Sans doute, mais si tu n’as pas péché par action, tu as péché par pensées, par paroles et surtout par omission. (Nouvelle explosion d’applaudissemens au parterre.)

Stentarello, à qui la peur a ôté tout amour-propre, convient humblement de sa faiblesse, et maintenant qu’on doit être bien convaincu de son innocence, il implore la magnanimité du prince.