Scène iii.
Eh ! doucement donc, mon cher ! vous avez des façons… (Se retournant vers le chevalier.) Ah ! comment diable ! c’est toi, mon pauvre chevalier ? Je ne m’y attendais guère.
Et cela vous paraît bien ridicule, monsieur le duc ?
Passablement, à ne te rien cacher. Que diable viens-tu faire ici, mon cher ?
Je voulais la voir encore une fois, lui dire adieu, ou du moins rencontrer son regard avant que cet horrible sacrifice fût accompli.
En ce cas tu viens trop tard, car déjà le sacrement est entre vous. Tiens, écoute ces cloches ; c’est le sanctus qui sonne à la paroisse. La messe touche à sa fin, le mariage est consacré. (En chantant.) : Allez-vous-en, gens de la noce.
Avec quelle horrible tranquillité vous m’enfoncez ce poignard dans le cœur !… Ah ! je vous ai cru mon ami, celui de Julie du moins, et vous voyez notre désespoir avec une indifférence !…
Votre désespoir ! dis le tien, pauvre fou, puisque tu es assez naïf pour prendre la chose au sérieux ; mais quant à celui de Julie, elle épouse Samuel Bourset. C’est ce que j’y vois de plus clair.
Et qui donc a fait ce mariage infâme ? car enfin, je le sais, et désormais votre feinte pitié ne me trompera plus ; c’est vous qui l’avez conseillé, et vous l’avez mené à bout avec une persévérance, avec une perfidie…
Chevalier, tu perds la mémoire. Tu es fort troublé, c’est ton excuse. Mais essaie un peu de rappeler tes esprits. Lorsqu’il y a huit jJours tu vins me trouver et me dire : La succession de mon père est liquidée ; il s’y trouve plus de dettes que d’argent ; je suis un homme ruiné…
Ah ! je vous ouvris mon cœur avec un abandon !