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REVUE DES DEUX MONDES.

JULIE.

Mon Dieu ! (On entend tousser.)

LA MARQUISE.

Ah ! c’est la grosse toux de ce Bourset ! Sauvez-vous, Léonce ! (Le chevalier se relève et veut tirer son épée.) Y songes-tu, malheureux enfant ? Veux-tu donc perdre ma fille ? Et vite ! et vite !

(Elle le pousse vers une des petites portes de dégagement. Bourset tousse encore.)
LE CHEVALIER, exaspéré.

Julie !

JULIE, hors d’elle-même.

Ne crains rien, Léonce ! Cache-toi, nous nous reverrons bientôt. Ma mère, je le veux, je veux lui dire adieu, une dernière fois, devant vous.

LE CHEVALIER.

Mais cet homme ?…

JULIE.

Ne crains rien, jamais, jamais ! (Elle se lève et le pousse aussi vers la porte.)

LE CHEVALIER.

Nous nous reverrons ? Oh ! dis-le-moi, ou je brave tout. Je ne puis te quitter ainsi !

JULIE.

Oui, nous nous reverrons ; la conduite de cet homme me pousse à bout. (Bourset rentre par une autre porte de dégagement, pendant que Julie et la marquise entraînent le chevalier par la porte opposée et lui tournent le dos.)

LA MARQUISE, à sa fille.

Je vais le cacher dans ma chambre, car je suis sûre que Bourset nous espionne. (Elle sort avec le chevalier.)

JULIE, leur parlant encore sur le seuil de la porte de gauche.

Et revenez vite près de moi, ma mère, car il va venir m’obséder de sa présence. (Elle se retourne, trouve Samuel debout devant elle, et reste muette d’effroi. Aussitôt Samuel, qui a déjà eu soin de refermer la porte par laquelle il vient d’entrer, va à celle par où vient de sortir le chevalier, et la ferme aussi, puis il met tranquillement les deux clés dans sa poche. Julie s’élance vers la grande porte pour s’enfuir et la trouve fermée.)

SAMUEL.

Oh ! cette clé-là, votre mère l’a dans sa poche.

JULIE.

Quelle est cette inconvenante plaisanterie ? Je veux être seule avec ma mère, je vous l’ai déjà dit, monsieur. (Elle veut s’approcher d’une sonnette, Samuel lui barre le chemin, la salue et lui offre une chaise.)

SAMUEL.

Je suis charmé que vous vous portiez mieux. Comme vous vous êtes promptement remise sur pied ! C’est merveille de voir comme les couleurs vous sont vite revenues.