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lâcheté d’apposer son sceau impérial, on voit spécifiés tous les points dont la valeur stratégique ou politique avait été reconnue par l’œil exercé du conquérant. « En considération, y est-il dit, de cette faveur (celle de ne pas l’avoir détrôné et de lui avoir permis de garder une partie de ses pierreries !) qu’un père ne fait pas à son fils, ni un frère à son frère, je lui cède tout le pays à l’ouest de la rivière Attock, du cours du Sindh, c’est-à-dire Peshaver avec son territoire, la principauté de Kaboul, Ghaznavi (Ghizni), les montagnes où résident les Afghans, le Hazaridjat et les passes avec le fort de Bakker, Sankar et Khoudabad ; le reste des territoires, passes et résidences des Tchokias, Beloutchis, etc., avec la province de Tatta, le fort de Râm et les villages de Tirbinn, les villes de Tchun, Samawali et Ketra, etc., places dépendantes de Tatta ; toutes les campagnes, villes, villages, forts et ports, depuis le commencement de la rivière Attock avec toutes les passes et lieux habités compris dans le bassin de ladite rivière jusqu’au Nala-Sankra, où elle se décharge dans la mer ; en un mot, tous les lieux à l’ouest de la rivière Attock, de la rivière Sindh et du Nala-Sankra[1]. »

Ce document officiel d’une précision si remarquable témoigne surtout de l’importance que Nader-Shâh attachait à la possession des passes, et ce sont ces passes, en effet, qui font la force principale de l’Afghanistan. Elles sont les clés du plateau de Kandahar, de la haute terrasse de Kaboul et du Khorassan, et dominent le cours de l’Oxus d’un côté, celui de l’Indus de l’autre. Les systèmes de montagnes dont elles font partie, et qu’elles permettent de franchir, n’ont été qu’imparfaitement étudiés. Nous allons essayer d’en donner une idée[2].

La limite de l’Afghanistan au nord est la continuation occidentale de la grande chaîne de l’Himalaya, le Caucase indien des Macédoniens, désigné par les géographes orientaux sous les noms de Hindou-Koh, Hindou-Khou, Hindou-Koush. Les vallées de l’Abou-Sine, du Londye (l’une des principales branches de la rivière de Kaboul), du Kaméh, appartiennent à sa pente méridionale ; l’intérieur et la pente septentrionale de cette chaîne sont entièrement inexplorés. La pente

  1. Daté de Shâdjahanabâd (Delhi), le 4 de moharram 1152 de l’hégire (2 avril 1739.)
  2. Dans cette partie de notre exposé, et dans nos recherches ethnographiques, nous nous appuierons plus particulièrement sur le beau travail de Ritter, 8me vol. de son grand ouvrage : Die Erdkunde, Berlin, 1838, et sur la dernière édition de l’ouvrage d’Elphinstone : An account of the kingdom of Caubul, etc. Londres, 1839, 2 vol.