Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/870

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
862
REVUE DES DEUX MONDES.

n’ont ni agriculture, ni industrie, ni commerce. Propriétaires par droit de conquête, ils vivent du travail des tribus qu’ils ont soumises, et si l’accroissement de la population rend les moyens de subsistance précaires, l’émigration est une ressource que leur audace aventureuse a su exploiter avec avantage depuis des siècles. Comparable en quelques points aux Lacédémoniens par son organisation intérieure, aux Normands par le caractère et le but de ses expéditions, ce peuple turbulent, connu à l’est de l’Indus sous le nom général de Patanes, a exercé, à diverses époques, une grande influence sur les affaires de l’Hindoustan. Les armées mogholes se sont toujours recrutées de ces émigrés. Les Hindous ont plus d’une fois plié devant eux. Une dynastie de leur souche a occupé le trône de Delhi pendant trois siècles, et sur les ruines de l’empire du Grand-Moghol, ils avaient élevé la république des Rohillas dans l’ancienne province de Kattaïr (au S.-E. de Hardwar), aujourd’hui le Rohilkond[1], d’où ils s’étaient rendus souvent redoutables aux Anglais eux-mêmes. Ce pays est aujourd’hui soumis entièrement à la domination anglaise, ainsi que les autres colonies afghanes de moindre importance qu’on trouve dans toute l’étendue de l’Hindoustan, telles que Furruckabad, Bopâl, Karnoul, Kadappa, etc. ; mais les Patanes sont toujours rangés, sinon parmi les meilleurs, au moins parmi les plus braves soldats de l’Hindoustan.

Revenons à l’Afghanistan, et en particulier à la haute terrasse de Kaboul. Le Hindou-Koush au nord, le Koh-é-Baba au sud-ouest, les monts Khayber avec le Sofaid-Koh (montagne blanche, à cause de ses neiges éternelles) au sud, l’Indus à l’est : telles sont les limites naturelles et bien définies de ce pays gradué qu’arrosent la rivière de Kaboul et ses affluens, dont un seul prend sa source dans le plateau de Ghizni. Liée à ce plateau et à celui de Kandahar, la haute terrasse de Kaboul, moins élevée que l’un et l’autre, est plus favorisée de la nature dans son aspect général comme dans ses productions. Le plateau de Ghizni est le plus haut et le plus froid.

Kaboul est situé tout près du Kohéstan, c’est-à-dire de la pente méridionale de l’Hindou-Koush. Vu de ce côté, c’est un pays de montagnes ; mais, vers le sud-ouest et le sud, le terrain prend la forme d’un plateau ondulé, sillonné par des séries de rochers, traversé par des plaines de sable et de grès, offrant par intervalles des portions

  1. Pays de montagnes, de roh, montagne en pandjahi ; rohillas, peuples des montagnes.