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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

de sol qui, sans être précisément stériles, sont cependant privées d’eau ; des steppes arides, des herbes sèches, des broussailles et des buissons épineux. Ni arbres ni arbrisseaux ; çà et là quelques cours d’eau qui fertilisent un vallon ; et dans les crevasses des rochers, de nombreux amandiers, végétation caractéristique de tout le plateau de l’Afghanistan. À peu de distance, la scène change comme par miracle. Autour de Kaboul même, et surtout au nord et à l’ouest de la ville, les champs cultivés, les prairies, les vergers arrosés par mille ruisseaux, les nombreux villages, tout contribue à animer le paysage, dont le cadre de montagnes qui l’entoure augmente encore la richesse et la grandeur. Dans la seule vallée d’Estalif, on compte plus de 6,000 vergers où mûrissent tous les fruits de l’Europe et de l’Asie.

La ville de Kaboul est située, d’après les observations les plus récentes, par 34° 24′ 5″ de L. N., et 69° 7′ 15″ de L. E., sur une plaine élevée de plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sur cette haute plaine, la rivière de Kaboul n’a pas moins de 50 pieds de chute par mille anglais, et la pente vers l’est est si raide, qu’après une journée de marche à l’ouest, près de la source principale du fleuve, à Sir-Tchaschma, on s’est déjà élevé à la hauteur absolue de 2,620 mètres. La ville de Kaboul est très animée et très bruyante, quoiqu’elle ne compte que 60,000 habitans. De grands bazars où abonde tout ce qui est nécessaire à la vie, et ce qui peut flatter les goûts asiatiques, sont le rendez-vous de toutes les classes de la population, qui viennent s’y pourvoir d’étoffes, de soieries, de draps, de provisions de toute espèce offertes à bas prix, ou admirer les innombrables boutiques où sont étalés, jour et nuit, avec autant de profusion que d’élégance, les produits de l’industrie locale, ceux des manufactures européennes que les caravanes ont apportés de Russie ou de l’Inde anglaise, et les fruits délicieux que la vallée de Kaboul y envoie dès le mois de mai. Burnes donne une description très détaillée et très pittoresque de la ville de Kaboul, telle qu’elle était en 1832. Son aspect a changé sans doute depuis que le shâh a repris possession du Balahissar, où un ministre anglais réside à ses côtés, et que l’armée anglo-indienne a établi ses cantonnemens aux portes de la ville. Un élément nouveau et désormais le plus important de tous est entré dans cette population déjà si variée et si active. Les Européens peuvent, dès à présent, traverser l’Afghanistan dans toutes les directions, et avant peu ils auront formé dans les villes principales, surtout à Kaboul et à Kandahar, des établissemens durables, destinés à étendre et à vivifier le commerce, et à satisfaire